Européennes : au Parlement, assiduité n’est pas français
Publié le Par Antoine Sauvêtre
Il y a un mois, le Parlement européen vivait sa dernière session avant les élections européennes du 25 mai. A l’issue de ce scrutin, des eurodéputés français céderont leur siège. Des sièges pourtant rarement occupés. Les élus français sont des adeptes de la politique de la chaise vide.
Evoquer l’assiduité des eurodéputés français au Parlement européen est un sujet qui fâche. Et pour cause, on ne peut pas dire que ce sont de bons élèves en la matière. Si l’on regroupe les députés européens par pays, la France, qui en compte 74, se classe au 21ème rang sur 28 au classement VoteWatch qui fait autorité pour analyser l’activité des eurodéputés en regroupant plusieurs critères objectifs (participation aux votes, loyauté à son parti, rapports signés, amendés, opinions rédigées, etc….). Autant dire en queue de peloton. A titre d’exemple, l’Allemagne, pays le plus influent juste devant la France, se classe 8ème.
Présence
Au classement de la participation au vote, le bilan n’est pas plus glorieux. Les différents députés connaissant des fortunes diverses. Jean Pierre Audy, Françoise Grossetête, Elisabeth Morin-Chartier (UMP), Bernadette Vergnaud (PS), Nathalie Griesbeck (Modem) ou Nicole Kiil-Nielsen (EELV), sont autant de noms inconnus dans l’Hexagone qui sont pourtant les plus présents dans l’hémicycle de Strasbourg avec un taux de présence oscillant entre 93% et 97% sur la mandature 2009-2014. A noter que Jean-Pierre Audy, français le plus assidus se classe 22ème au classement général sur 766 eurodéputés.
A l’inverse, les personnalités plus célèbres sont beaucoup moins assidues et plombent la moyenne du pays comme Philippe de Villiers, 74ème et bon dernier des Français avec 46,50%, Jean-Marie et Marine Le Pen, respectivement au 71ème et 68ème rang, Eva Joly (67ème), Jean Luc Mélenchon (65ème) ou encore Harlem Désir (73ème). Ce dernier n’apparaissant plus au classement depuis sa nomination au secrétariat d’Etat chargé des Affaires européennes qui avait fait polémique en raison de ses absences répétées, et assumées, au Parlement européen.
Influence
Pour autant, la participation des députés ne se limite pas à leur présence dans l’hémicycle. Car un député est bien plus productif en participant aux commissions parlementaires et en rédigeant des rapports que simplement en « bougeant les doigts dans la machine à voter », selon les termes de Jean-Luc Mélenchon. Or, nos français ne sont pas les plus productifs. Loin de là.
En moyenne, ils ne pondent que deux rapports par mandature quand les Allemands en écrivent trois et qu’une bonne partie des eurodéputés en rédigent 5, voire 10… Et là encore, les « stars » françaises du Parlement sont pointées du doigt. En cinq ans, Brice Hortefeux, Rachida Dati, Jean-Luc Mélenchon, Bruno Gollnisch ou les Le Pen n’en ont rédigé aucun… A ce jeu-là, la meilleure députée est italienne. Barbara Matera en a posé plus de 50 !
Pourtant, malgré cette constatation plus que moyenne, la France reste l’un des pays les plus influents de l’Europe. En effet, l’Allemagne et la France se partagent la majeure partie des mandats électifs européens. Les Allemands en détiennent 15% et les Français 11%. De plus, cette présence en force a permis aux Français de briguer 4 présidences de commission (6 pour l’Allemagne). Cependant, seulement une, celle du Budget d’Alain Lamassoure (UMP), a un réel poids législatif. La commission des Affaires économiques et monétaires, anciennement présidée par la socialiste Pervenche Berès, est revenue aux Britanniques.
Controverse
Mais parler de l’assiduité des députés européens est aussi un sujet à controverse. Car chacun n’a pas la même lecture du classement, et surtout chacun n’a pas le même classement. Comme évoqué plus haut, les résultats précédents sont tous tirés du site VoteWatch. Une organisation indépendante créée en 2009 qui regroupe les données des institutions européennes pour établir un classement, sans autres commentaires, sur l’activité des eurodéputés.
Et comme tout classement, VoteWatch a ses critères. Il ne prend pas en considération les interventions en séance (speeches), pour la simple et bonne raison que ces dernières ne sont pas représentatives du travail effectué par les députés. En effet, parmi les speeches, se trouve les explications de vote. Un texte que chaque député peut lire ou simplement adresser au président du Parlement européen pour expliquer ou justifier son choix de vote.
Ce document, qui est ajouté aux statistiques des eurodéputés même s’il n’est envoyé que par mail, est pris en compte dans un autre classement, MEP Rankings. Ce dernier a exactement les mêmes critères que VoteWatch, plus les explications de vote. Confronté à son mauvais classement, Jean-Luc Mélenchon avait alors appelé les journalistes à se référer au MEP Rankings. Et surprise, il y figure à une place bien plus honorable : 3ème sur 74 députés français. Et pour cause, Jean-Luc Mélenchon s’est trouvé une parade. Il explose les statistiques en termes de speeches ce qui le fait largement remonter au classement général. Une astuce qu’il n’est pas le seul à exploiter. Rachida Dati (UMP) ou Marielle de Sarnez (Modem) en sont également friandes.