Municipales : des vagues bleues
Publié le Par Patrick Béguier
La droite a toutes les raisons de crier victoire, mais derrière sa vague bleue se profile une déferlante bleu marine. C'est celle-là que beaucoup voient arriver avec effroi. Par Patrick Béguier
Le parti socialiste prend une raclée. C'était attendu. Il a tenté de réduire ces élections municipales à des enjeux locaux, mais la politique nationale a débordé de partout. La faute aux promesses non tenues, au ras le bol fiscal, aux hésitations ou reculades de l'exécutif, aux couacs ininterrompus de communication, aux bonnets rouges, verts… La liste était trop longue !
Logiquement, en dépit de ses divisions, la droite a emporté le morceau en distançant la gauche d'environ 5 points. Curieusement, cette victoire est effacée aux yeux des commentateurs et d'une bonne partie de l'opinion par les succès du Front national. Ce n'est pas véritablement une surprise de voir Hénin-Beaumont tomber dans son escarcelle dès le premier tour. Ce n'est pas étonnant non plus de constater que des villes comme Forbach, Fréjus, Béziers ou Perpignan lui accordent de très bons scores. Non. C'est la montée du FN dans l'ouest de la France, c'est sa percée dans des bastions du socialisme (comme Limoges, par exemple), c'est le pied de nez qu'a envoyé Stéphane Ravier à Patrick Mennucci (PS), déjà en grande difficulté face au maire sortant UMP Jean-Claude Gaudin, qui retiennent l'attention.
On s'est gaussé des difficultés rencontrées par Marine Le Pen pour constituer des listes Front national. Ce soir, elle peut savourer sa revanche. Le FN n'était présent que dans une cinquantaine de villes. Quel aurait été le résultat s'il avait pu proposer ses choix dans toutes les communes ou presque, comme le PS et l'UMP ? Quelles autres vagues se profilent à l'horizon ? Que se passera-t-il lors des toutes prochaines élections européennes ? Un désaveu cinglant pour les défenseurs d'une Europe en perte d'équilibre et trop éloignée des préoccupations des citoyens ?
"Coup de pouce"
Autant dire que les nombreuses triangulaires qui s'annoncent vont se dérouler dans un sale climat !
Le PS et l'UMP prennent-ils la mesure du danger ? Non. Les socialistes en sont au stade de l'incantation. Le Premier ministre et le premier secrétaire du PS lancent le même message : "En ce qui nous concerne, nous ferons tout pour qu'à l'issue de ces élections municipales, aucune ville ne soit dirigée par le Front national", a déclaré Harlem Désir dans la foulée de Jean-Marc Ayrault. Tout, mais quoi au juste ?
De l'autre côté, ce n'est guère mieux. "Les conditions d'une grande victoire sont réunies pour le second tour ", s'est félicité le président de l'UMP, Jean-François Copé, sur France 2, en appelant les électeurs qui ont voté pour le Front national à reporter leur vote sur les candidats de l'UMP le 30 mars, afin de ne pas donner " un coup de pouce à la gauche ". Il a assuré que l'UMP n'appellera " jamais à voter pour le FN, mais pas non plus pour le PS ". " La victoire est à portée de main pour la droite et le centre ", a renchéri Bruno Le Maire sur TF1. Un coup porté au front (républicain) pour éviter un coup de pouce ?
Pendant que ceux-là s'attardent à des arguties, Marine Le Pen laisse "la liberté de vote" à celles et ceux qui ont voté pour ses listes : "Je ferai la même chose qu'aux présidentielles, je laisserai la liberté à mes électeurs : faites ce que vous voulez, jugez en fonction peut-être de considérations locales", a-t-elle dit. Elle la joue "grand seigneur". Dans sa tête, elle a déjà gagné.