Elections 2014 : la droite patauge
Publié le Par Patrick Béguier
Avec son aventureuse promesse sur le chômage et sa désastreuse cote de popularité, on pensait qu'en ce début d'année, François Hollande aurait du mal à s'extirper du bourbier élyséen. Mais c'est la droite qui avance, dispersée, dans un drôle de marécage. Par Patrick Béguier
Le sondage Ifop qui paraît demain dans l'hebdomadaire Paris Match devrait faire réfléchir les responsables politiques de la droite. Passons sur la légère augmentation de la cote de popularité de François Hollande. Celle-ci reste très basse. Le fait important, c'est que seulement 37% des personnes interrogées pensent que l'opposition "ferait mieux que le gouvernement actuel si elle était au pouvoir". La proportion la plus faible depuis mai-juin 2012 !
Comment, en effet, la droite pourrait-elle convaincre les Français de sa solidité, de son unité, bref, de sa force, quand elle étale jour après jour ses divisions, ses hésitations, ses contradictions.
De Paris à Neuilly
Paris, à cet égard, est presque une caricature ! Paris Dépêches a pu le constater hier, lors de la présentation de la liste dissidente menée par Charles Beigbeder. Les candidats ont eu du mal à… libérer leur parole, tant ils se sentent un peu honteux et confus de contrarier les desseins de "rénovation politique" de Nathalie Kosciusko-Morizet. Programme restreint, liste à compléter. Tout cela sent l'improvisation. S'opposer à l'arrivée d'un "régiment de parachutistes" et affirmer que "nous voulons des Parisiens qui se mettent au service d'autres Parisiens", c'est un peu court. On se demande qui n'est pas un parachuté à Paris. On se doute bien aussi que les candidats en question ne veulent pas se mettre au service des Lyonnais, des Marseillais ou des Londoniens…
Amusant aussi : les contorsions de la droite à Neuilly. Pour contrer le maire sortant, Jean-Christophe Fromantin, l'UMP préparait l'atterrissage en douceur de Michèle Alliot-Marie. Mais l'ancienne ministre de la Défense a senti que le terrain était miné et un sondage réalisé en décembre, qui la plaçait loin derrière le maire en place, lui a montré qu'elle devait poursuivre ailleurs son tour de France des candidatures potentielles. Du coup, la fédération UMP des Hauts-de-Seine a donné son soutien à Jean-Christophe Fromantin. Un peu gênant pour un élu qui s'affirme "sans étiquette" et avait lancé, avec tambour et trompette, une Charte des candidats… libres. "Ne laissons pas les partis politiques décider à notre place quel candidat est le meilleur pour gérer nos villes et nos villages. Rassemblons autour des projets et des compétences, faisons le pari de la liberté pour que vive la démocratie locale", avait-t-il déclaré, dans un communiqué à Paris Dépêches.
En attendant, Jean-Christophe Fromantin s'est félicité du soutien de l'UMP. Il pourra jouer sur les mots (un "soutien" n'est pas une "investiture") et continuer à proposer sa charte sur le site www.candidat-libre.fr
Pathétique
Autre élection : les européennes.
Là aussi, c'est plutôt confus ! L’UMP a du mal à boucler ses listes. Qui privilégier ? Les sortants ou celles et ceux qu'il faut recaser (remercier ?) en cette période où les sièges confortables sont plus rares que les strapontins. Les membres de la commission d’investiture du parti, réunie hier sous la présidence de Jean-François Copé et de François Fillon, n’ont pas réussi à se mettre d'accord et ont prévu de se retrouver une dernière fois (?) le 21 janvier pour achever ce nouvel et pathétique épisode.
Certaines personnalités, doit-on préciser, sont très contestées (Jérôme Lavrilleux, Nadine Morano…), les alliances avec l'UDI font débat, l'orientation politique reste imprécise entre les fédéralistes (Jean-Pierre Raffarin, en tête) et les souverainistes (la Droite populaire, surtout). Une belle salade que se chargent d'assaisonner Bernard Accoyer, l'ancien président de l'Assemblée nationale, ou François Baroin.
Courroie de transmission
Il ne faudrait pas oublier, pendant ce temps-là, le Hollande Bashing.
Problème : en prônant, dans ses vœux, une politique sociale-libérale, le président de la République a coupé l'herbe sous le pied de l'UMP. Il a fixé des objectifs que la droite ne peut pas, en théorie tout au moins, rejeter : réduire la dépense publique (en s'indignant même des "excès" et des "abus" concernant la Sécurité sociale), "simplifier la vie", baisser à terme les impôts et surtout, proposer un "pacte de responsabilité aux entreprises".
Silence gêné à droite. L'UMP a commencé par des "on verra bien !" et des "chiche !". Puis, ce matin, Jean-François Copé est parti sabre au clair : ce pacte est "un slogan". "Je mets en garde contre ce piège".
Or, dans ses propres vœux, le président de l'UMP avait déclaré : "Pour lutter vraiment contre le chômage, il est urgent de baisser drastiquement les impôts, les charges sociales et la dépense publique, de supprimer sans trembler toutes les réglementations absurdes qui nous paralysent, d'en finir une bonne fois pour toutes avec les 35 heures. Bref, de vivre à l'heure du monde et de préparer l'avenir."
En dehors des 35 heures, François Hollande veut donc exaucer les vœux de Jean-François Copé ! Pas du tout ! répète ce dernier en s'adressant à Pierre Gattaz, le patron des patrons, qui a semblé accueillir favorablement la proposition du président de la République : " Ne renoncez pas à votre vigilance et à vos exigences pour un plat de lentilles ", a-t-il lancé.
C'est un ordre ? L'UMP considère-t-elle le Medef comme sa courroie de transmission, à l'image de ce qui se passait en d'autres temps entre le Parti communiste et la CGT ?
On frise l'erreur historique.
Patrick Béguier est journaliste et écrivain. Il est membre de l'Association des journalistes parlementaires et conseiller éditorial de Paris Dépêches.
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