Hollande piégé aussi par le... calendrier
Publié le Par Patrick Béguier
Le président de la République est assailli de toutes parts : ça gueule, ça manifeste, ça siffle, ça interpelle ! Mais son adversaire le plus vicieux, c'est le calendrier politique... Par Patrick Béguier
Inutile de rappeler toutes les manifestations, protestations, interpellations (y compris de certains socialistes) qui résonnent dans les couloirs de l'Elysée. Avec tous les bonnets et tous les totems qui sont brandis ici et là, on pourrait s'amuser à un inventaire à la Prévert.
Il en est un qui ne s'amuse pas, même si son entourage le présente comme solide et froidement déterminé : François Hollande est conscient de la gravité de la crise qui secoue le pays. Problème : comment réagir ? Quel choc majeur pourrait modifier la donne politique et empêcher la France de s'abandonner au désespoir économique avant que les effets escomptés de la reprise (?) ne ramènent un minimum de confiance ?
Le premier (et très violent) choc imaginé par plusieurs commentateurs serait de dissoudre l'Assemblée nationale. François Hollande jouerait alors une partie d'échecs : en se fondant sur "le précédent Chirac", l'opposition aurait toutes les chances de devenir la majorité. Jean-François Copé remplacerait Jean-Marc Ayrault, mais, comme la droite est elle-même en piteux état et que son projet économique dort dans on ne sait quel tiroir, la cohabitation profiterait à l'actuel président de la République qui se représenterait dans les meilleures conditions en 2017. Un calcul machiavélique qui pourrait se retourner contre son auteur et donnerait une chance à l'UMP de montrer, dos au mur, sa capacité à sortir le pays de l'ornière. Avec deux inconnues : l'irrésistible montée du Front national et la soif de revanche d'un certain Nicolas Sarkozy…
Grand chambardement
Plus raisonnable, en apparence : un remaniement. Une chasse au premier ministre a même été lancée par Malek Boutih. Des noms circulent. Valls, bien sûr, en raison de sa popularité auprès des Français. Martine Aubry, qui a eu le malheur de venir plaider le dossier de La Redoute et de déjeuner avec François Hollande au moment précis où les esprits s'échauffaient.
Mais le calendrier, imperturbable, dit non : le remaniement ne peut intervenir qu'après les élections municipales de 2014 afin que soit prise en compte l'opinion grandeur nature des Français (fi des sondages !). Il serait même plus logique d'attendre le résultat des élections européennes. Résultat : on ne va pas remanier deux fois, trois fois. De plus, si l'opération ne s'accompagne d'aucun revirement économique et social, le remaniement ne sera qu'un banal ravalement vite oublié des Français.
Diabolique calendrier !
La hausse prévue des taux de TVA au 1er janvier 2014 va multiplier le nombre des mécontents. Des secteurs économiques entiers (les commerçants et artisans arrivent !) vont se coiffer de toutes sortes de bonnets ou s'apparenter à de fragiles et graciles animaux pour dénoncer les injustices qui leur sont faites. À les écouter, des dizaines de milliers d'emplois devraient disparaître. Nos concitoyens, traumatisés par le risque du chômage, pourraient avoir des réactions dépassant les stricts critères professionnels des uns ou des autres. Bref : on va vers un grand chambardement ! Avec l'aveuglement qui l'accompagne !
Ce n'est pas en pointant du doigt les agissements irresponsables de groupes d'extrême droite ou en se lamentant sur le visible retour du racisme en France, encore moins en changeant les conseillers qui ont table mise à l'Elysée, que François Hollande trouvera la solution.
À lui de jouer ! À lui de sortir l'atout maître auquel personne ne pense !
À lui d'être le président de la République française !
Patrick Béguier est journaliste et écrivain. Il est membre de l'Association des journalistes parlementaires et conseiller éditorial de Paris Dépêches.