Lois sur la transparence : les citoyens aimeraient y voir clair
Publié le Par Patrick Béguier
Les projets de loi sur la transparence de la vie politique sont en débat à l'Assemblée. Mais les députés multiplient les pas de patineurs. De quoi vous donner le tournis !
Après l'affaire Cahuzac - juré, craché par terre ! - on allait mettre le personnel politique sous étroite surveillance, apporter aux citoyens les garanties de moralité qu'ils sont en droit de demander et que la démocratie exige par sa nature même. François Hollande avait eu des paroles fortes. Dans la panique provoquée par le scandale, certains de nos hommes politiques et non des moindres, s'étaient précipités dans les médias pour prouver au bon peuple leur honnêteté foncière. Maisons, voitures, bijoux… Tout ou presque avait été listé !
Un peu de temps a passé et les ardeurs sont quelque peu retombées. Une ferme opposition s'est même manifestée, y compris dans le camp du président de la République. Claude Bartolone a parlé de "démocratie paparazzi". Dans la foulée du président de l'Assemblée nationale, d'autres leaders - dont Christian Jacob, le patron des députés UMP - ont dénoncé le "voyeurisme" inhérent aux projets annoncés. "Démagogie", "hypocrisie"… Le vocabulaire s'est enrichi au fil des semaines.
Maintenant, on y est ! Il faut bien faire quelque chose !
Première astuce : les déclarations de patrimoine des 6 500 élus concernés ne seront pas publiées ! Pardon ? Si, si, les citoyens pourront les consulter dans la préfecture de leur département, mais ils n'auront pas le droit de les divulguer sous peine de poursuites pénales. Le beau résultat que voilà : la transparence aboutit au bâillonnement ! Mais non ! Les citoyens pourront exercer un "droit d'alerte" auprès de la Haute Autorité de la transparence de la vie publique s'ils constatent un problème. Quel bonheur cela va être pour eux de devenir de sombres délateurs !
Petite bombe
Et quels pouvoirs aura cette instance ? Les avancées, reculs et pas de côté des uns et des autres les rendent encore bien flous. D'où l'inquiétude qu'a exprimée le président de la CTFVP (Commission pour la transparence financière de la vie politique), l'organisme chargé auparavant de surveiller les évolutions des patrimoines des élus et qui, comme on le sait, n'a qu'un médiocre bilan à présenter. Jean-Marc Sauvé a rappelé que l'efficacité réclame des moyens… financiers et déposé une petite bombe dans la salle de bal : il faut contrôler le patrimoine des proches, dit-il, car, par de discrets transferts familiaux, on peut dissimuler des enrichissements indus. Gageons que, très vite, des démineurs parlementaires sont venus écarter le danger !
Notre personnel politique n'a pas fini de s'angoisser : quid de l'interdiction de cumuler un mandat de sénateur ou de député avec certaines activités professionnelles ? Les tractations vont bon train pour savoir quelles fonctions, précisément, seront concernées. Quid aussi de la peine d'inéligibilité des élus sanctionnés ? À vie, pendant dix ans ?… On comprend qu'il soit difficile pour les citoyens de s'y retrouver, tant l'agitation est permanente et les habituelles lignes politiques brouillées.
Mais est-ce le débat dont nous avons besoin pour clarifier notre vie politique ? Un député, qui a préféré garder l'anonymat, nous a confié il y a peu que "tout ça, c'est du cirque ! Le vrai problème, c'est l'évasion fiscale, pas les patrimoines ou les cumuls !"
Retour à la case départ alors ?