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C’était Nicolas Sarkozy.

Publié le  Par Jennifer Declémy

Crédit image © Capture d'écran


Portrait de Nicolas Sarkozy, sixième président de la république, candidat à sa réélection et chef de l'état le plus controversé que l'on ait connu ces cinquante dernières années.

Comment décrire cet homme, ce Président de la République sur lequel on a déjà tant écrit ? Tout a été dit sur son sujet, que l’on soit partisan ou opposant, le sarkozysme s’est imposé depuis dix ans dans la vie politique française, et le quinquennat qui se termine cette semaine marquera l’Histoire de la Cinquième République.

Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il n’y a pas de demi-mesure en ce qui concerne Nicolas Sarkozy. Personne ne peut rester indifférent devant sa personne qui occupe l’espace médiatique depuis dix ans, sans relâche, de manière obsessionnelle. Aujourd’hui à bout de souffle, il accapare la scène publique et politique depuis des années, occupe tous les rôles et tous les postes, revêt tous les costumes politiques qu’il est possible d’endosser, livre un discours libéral un jour, aux accents mélenchoniens le lendemain, se vante d’être le DRH du Parti Socialiste avant de finir sur les terres de l’extrême-droite qu’il observe déjà depuis une décennie. Entre excès politiques et personnels, Nicolas Sarkozy a transformé la droite républicaine, qu’il a unifiée d’une main de fer en 2004 pour permettre son ascension présidentielle, avant de la laisser éclater sous son mandat en une myriade de mouvements aussi divers qu’opposés.

« L’allergie à Sarkozy est tellement forte qu’elle fait disparaitre toute objectivité » confiait Max Gallo qui a sûrement émis là le meilleur jugement possible sur Nicolas Sarkozy. Dynamique, volontaire, charismatique, mais aussi vantard, orgueilleux, enclin au mensonge et péremptoire, Nicolas Sarkozy a profondément transformé la fonction présidentielle, quitte à perturber les français ; il aura marqué son quinquennat par un nombre impressionnant de réformes qui, trop nombreuses, ont pu brouiller son message et les citoyens ; mais il aura aussi et surtout été le président le plus controversé de la Cinquième République, suscitant une détestation jamais égalée par les anciens chefs de l’état, qu’elle soit nourrie par une multitude de scandales, ou par un comportement personnel et une pratique du pouvoir peut-être pas en conformité avec l’exercice de la présidence de la république française.

 

Une transformation en profondeur de la fonction présidentielle.

 

« C’est parce que je bouge que les français me suivent » confiait Nicolas Sarkozy au début de son mandat, alors que la multiplications de chantiers lancés suscitait quelques inquiétudes parmi sa majorité. Nicolas Sarkozy, c’est avant tout un « hyperprésident », s’occupant de tout et de rien, omniprésent dans l’agenda public, remplaçant chacun de ses ministres au pied levé et n’hésitant pas à qualifier son Premier Ministre de « collaborateur ». Parce que la rupture, c’est un axiome politique qui nourrit l’ancien ministre de l’intérieur, lui qui a été élu en se posant en véritable chef de l’état, en contradiction avec les « rois fainéants » des temps passés qui n’ont pas su comprendre la modernité de notre XXIe siècle.

Contre la pensée unique et les élites bien-pensantes, Nicolas Sarkozy se pose en transgresseur qui aime choquer, très loin de l’image de rassembleur des français, inhérent au chef de l’état tel que décrit par la constitution, et connu des français. Pendant cinq ans son style va profondément irriter les français et cela se ressentira dans les sondages d’opinion, intraitables face au chef de l’état.

Le Fouquet’s, les vacances sur le yacht de Vincent Bolloré, l’EPAD, le « casse toi pov’con », l’épisode avec les pêcheurs au Guilvinec, le divorce avec Cécilia suivi d’un mariage express avec Carla Bruni, le luxe ostentatoire et cet amour affiché « du pognon », autant de reproches, d’images que les français associent quasiment instinctivement au président sortant. Comme des tâches indélébiles qui marquent son habit de président qui aurait dû être bien plus grand et haut que celui revêtu par Nicolas Sarkozy tout au long de son mandat

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Tout cela aurait pu être évité si le sarkozysme ne se définissait pas avant tout par une omniprésence médiatique ahurissante. Depuis dix ans les français se lèvent, mangent et vont se coucher avec Nicolas Sarkozy qu’ils entendent et voient partout. « Créer le message et prendre l’opinion de vitesse » martelait l’ancien maire de Neuilly à ses proches collaborateurs, comme pour éviter que les français ne lui reprochent son inaction ou son manque de résultats. Peine perdue, dix ans plus tard les français saturent et n’en peuvent plus. Trop de Nicolas Sarkozy tue Nicolas Sarkozy au bout du compte. Le président en France est un monarque républicain, intouchable, inaccessible mais en même temps protecteur. Et parce qu’il est intouchable il doit être irréprochable. Nicolas Sarkozy ne l’a pas été, et contrairement à ses prédécesseurs, ça s’est trop vu. Il doit aujourd’hui en payer les conséquences.

 

Un nombre impressionnant de réformes.

 

Dans quel état sera la société française après cinq années de sarkozysme ? Profondément transformée ? C’est ce qu’espère la majorité au pouvoir qui n’en peut plus d’énumérer toutes les réformes adoptées pendant le quinquennat. A son actif on trouve en effet le bouclier fiscal, la loi TEPA, la TVA sociale, la mise en place de peines planchers, la suppression de tribunaux, la RGPP, la suppression de l’histoire-géographie en Terminale S, de multiples lois contre l’immigration clandestine, Hadopi, Loppsi 1, Loppsi 2, le RSA, la généralisation de la vidéosurveillance, la réforme des retraites, la suppression de l’année de formation des professeurs, la réforme territoriale, la réforme constitutionnelle ou encore la mise en place du service minimum.

Mais on trouve aussi et surtout un nombre impressionnant de ratés qui auront marqués les français : la taxe carbone et la pénalisation de tout propos niant le génocide arménien, le ministère de l’identité nationale, la déchéance de la nationalité pour le meurtre d’un policier, le travail du dimanche, la rétention de sûreté ou encore les promesses de campagne qui n’ont pas été tenues : hausse du pouvoir d’achat, introduction de la proportionnelle, mise en place d’une sorte d’union pour les couples homosexuels et diminution de moitié du taux de chômage qui fait état de plus d’un millions de chômeurs supplémentaires depuis 2007. Tout ceci, dans la campagne présidentielle, lui est revenu comme un boomerang malgré ses tentatives pour ne pas en parler.

Mais plus encore que ce bilan politique contrasté, c’est aussi et surtout le sentiment prédominant dans la société française qu’il a été « le président des riches » que les français ne lui pardonnent pas. Avoir attendu quatre ans pour abroger un bouclier fiscal qui permettait à Liliane Bettencourt, dont les comptes en Suisse regorgent de millions cachés, de récupérer 30 millions d’euros de l’état, avoir nommé aux plus hauts postes de la République des proches, comme Bernard Squarcini, Laurent Solly ou Frédéric Péchenard, ne pas avoir adopté de mesures fiscales qui soient plus contraignantes pour les ménages les plus aisés que les plus pauvres, avoir augmenté son salaire en début de mandat et avoir autour de lui un cercle d’hommes d’affaires et de riches personnalités…tout cela aura contribué à construire dans l’esprit des français l’image durable d’un président qui s’est mis au service des riches, du capital et de la finance.

 

Le président le plus controversé de la Cinquième République.

 

Karachi, Bettencourt, Kadhafi, Tapie, les cigares de Christian Blanc, le rapport à 9 000 euros de Christine Boutin, les chambres d’hôtel de Rama Yade, un avion personnel à plus de 200 millions d’euros, des sondages à 6,3 millions d’euros, des frais de déplacement qui se comptent en centaines de milliers d’euros, l’affaire Woerth, l’affaire Tron, le renvoi de PPDA, la villa de Christian Clavier, les égouts du Cap-Nègres, le renvoi d’Anne Lauvergeon, les fadettes, la virée en Jordanie avec Carla, le discours de Grenoble, la condamnation pour racisme de Brice Hortefeux, les dérapages xénophobes de Claude Guéant, les appels du pied récurrents au Front National, la vulgarité de Nadine Morano, Ziad Tiakeddine, les mises en examen de plusieurs proches de Nicolas Sarkozy…Jamais aucun président n’aura accumulé autant de casseroles au long de son mandat, alors que pourtant, Jacques Chirac et François Mitterrand paraissaient nous avoir habitués au pire.

Cette frénésie d’affaires et de mini-scandales explique en grande partie le désamour que portent les français aujourd’hui à Nicolas Sarkozy. D’autant plus que la crise, qui frappe la société française depuis 2008, a mis en exergue ces excès de fric et de copinage pour donner le sentiment aux français les plus défavorisés, et les classes populaires, qu’il existe désormais une France « d’en haut » et une France « d’en bas », et que la première se soucie comme d’une guigne de la seconde qui doit payer les pots cassés d’une crise qu’elle ne comprend pas et dont elle n’est pas responsable. Le sarkozysme originel, qui promettait une rupture d’ampleur, aura échoué dans sa promesse, trop vite et trop brutalement, pour qu’on puisse le lui pardonner un jour.

« Nicolas Sarkozy a transformé la forteresse présidentielle en bulle narcissique, la pratique sarkozyste du pouvoir est aussi privative qu’autoritaire » décrit aujourd’hui le journaliste Edwy Plenel, redoutable adversaire du chef d’état, qui voit dans le sarkozysme même une négation des principes démocratiques les plus élémentaires. Si l’on peut ne pas aller aussi loin dans le jugement, force est de constater que cinq années de pratique abusive du sarkozysme auront laissé la société française profondément clivée, sous tension permanente et au bord du séisme politique, avec une extrême-droite tapie dans les coulisses, et prête à installer dès demain à tous les échelons du pouvoir xénophobie, repli sur soi, nationalisme et ruine économique du pays. Nicolas Sarkozy aura beau jeu de dire, « je ne suis pas l’homme que vous croyez », le problème est sans doute qu’aujourd’hui lui manque la cohérence politique et idéologique incontournable pour réunir les français.