Jean-Luc Mélenchon, le retour d’une autre gauche.
Publié le Par Jennifer Declémy
Véritable surprise de la campagne, Jean-Luc Mélenchon aura porté une dynamique indéniable, qui doit encore trouver comment se concrétiser aujourd'hui dans les urnes. Son point aura cependant été d'incarner une autre gauche que celle du Parti Socialiste.
La percée de Jean-Luc Mélenchon dans cette élection présidentielle fut la grosse surprise, qui insuffla un peu de suspense et de dynamique dans une élection où le favori est connu depuis plus de six mois. Parti à 4-5% d’intentions de vote, il culmine, à la veille du premier tour, entre 14 et 17% d’intentions de vote : un résultat que personne n’aurait pu imaginer hormis lui-même.
Ancien socialiste qui claqua la porte du PS en 2008, quand Ségolène Royal était sur le point de remporter le parti, il a réussi depuis l’union avec les communistes et d’autres forces politiques de la gauche radicale, une union qui naquit en 2005, lors de leur opposition commune au traité constitutionnel européen. Parti en campagne en juin 2011, soit presqu’un an avant le scrutin, il a réussi une ascension lente, et passée inaperçue auprès des médias et observateurs, mais qui fut si percutante qu’elle déstabilisa les socialistes, énerva Marine Le Pen et laissa sur le côté un François Bayrou abasourdi de se faire dépasser par l’extrême-gauche.
On le qualifie souvent de « populiste » ou « d’extrême-gauche » mais lui revendique simplement l’objectif de renouer avec une espèce de « socialisme historique ». Profondément attaché au souvenir et au legs de François Mitterrand, Jean-Luc Mélenchon porte une espèce de radicalité attachée à « l’humain d’abord », avec un partage des richesses, un bouleversement institutionnel du pays avec la mise en place d’une VIe République, une refondation de l’Europe ou encore une impulsion industrielle et économique venant du cœur de l’état, recentralisé et redevenu stratégique. Une radicalité qui plait aux électeurs de gauche refroidis par le sérieux d’un François Hollande profondément social-démocrate, mais aussi aux électeurs verts qui ont du mal à se retrouver dans la campagne menée par Eva Joly. Mais l’ancien socialiste surfe également sur le renouvellement des candidats du NPA et de LO, qui n’ont pas forcément réussi à trouver leurs marques dans cette campagne particulièrement dure.
Comment Jean-Luc Mélenchon, ancien sénateur socialiste de 60ans, député européen et ancien ministre sous Jospin a-t-il réussi à susciter autant de ferveur et d’enthousiasme chez le peuple de gauche ? Est-ce tout simplement parce qu’il prône « le retour à un socialisme historique, basé sur le militantisme : on croit à la forme parti, on se lance à l’ancienne avec des réunions politiques, de l’affichage, de la formation et des tractages dans la rue. On n’est pas là pour demander aux passants leur avis. Ça c’est la dictature de l’opinion qui s’impose aux convictions. Nous, on remet le costard en velours, celui des VRP qui ne s’use pas et on va parcourir la France » ? C’est-à-dire une gauche festive, populaire, qui aime à se rassembler et défiler, qui se réunit en assemblées populaires. En grande partie sûrement que oui.
Mais c’est aussi en se différenciant de l’extrême-gauche (NPA-LO) qui ne croit pas en la légitimité des élections, et du PS considéré plus droitier, plus centriste que le Front de Gauche a réussi à marquer cette campagne. Un des crédos du mouvement est en effet « la révolution par les urnes ». C’est l’idée que dans un monde où le politique subit plus qu’il n’agit, le peuple a quand même le pouvoir de bouleverser le système établi pour lui insuffler davantage de démocratie et de justice. Une idée qui séduit car elle remet au centre du débat le concept de volontarisme politique, elle sous-tend que face à la mondialisation, au système financier et européen, le peuple a toujours les moyens de se faire entendre et de modifier le cours de son destin, sans verser dans l’extrémisme le plus dangereux.