Présidentielle : Eva Joly se recentre sur le judiciaire
Publié le Par Jennifer Declémy
Après avoir connu bien des désagréments de campagne, pour diverses raisons, la candidate qui stagne à 2% a décidé de se recentrer sur ce qui fait sa force : la justice, et la dénonciation de la corruption.
La campagne d'Eva Joly aura été une des plus singulières de cette élection présidentielle. Après avoir remporté la primaire écologique, dans la plus grande surprise des observateurs qui attendait Nicolas Hulot, après avoir commencé en trombe, créditée d'un glorieux 10% d'intentions de vote, l'ancienne juge d'instruction a vu son capital sympathie et son capital électoral fondre comme neige au soleil, pour arriver en bout de course, réduite à chaos, poignardée dans le dos par l'opportunisme d'une Cécile Duflot ou d'un Jean-Vincent Placé et victime de la xénophobie de certains partis politiques.
Cumulant les faiblesses, la plus flagrante fut sans doute celle d'être issue de la société civile. Cela ne fait en effet que deux-trois ans qu'Eva Joly est immergée dans le monde de la politique, qu'elle a abordé avec les européennes de 2009, puis les régionales l'année suivante. Pas encore habituée aux codes de la politique et ses règles intransigeantes, Eva Joly n'était pas prête à affronter la dureté implacable d'une campagne présidentielle, et en a payé chèrement le prix.
Si l'on peut dire que les trois-quart de sa campagne ont été ratés, incontestablement, tel n'est pas encore le cas des deux dernières semaines. Après avoir avoué d'elle-même qu'elle avait commis des erreurs et que sa campagne n'avait pas été bonne, une première sûrement chez un candidat, Eva Joly a décidé de se rendre sur un terrain bien plus familier et agréable : la justice, et la dénonciation de la corruption.
Avant d'être candidate à l'élection présidentielle, Eva Joly était avant tout une magistrate implacable, connue pour avoir jugé de l'affaire DSK en 2000, mais aussi et surtout pour avoir couvert l'affaire Dumas-Deviers-Joncour, instruit l'affaire Elf ainsi que celle de Bernard Tapie dans les années 90. Une grande partie de sa carrière a été consacrée à lutter contre la corruption, les paradis fiscaux et les circuits financiers douteux. Et c'est son passé de magistrate qui revient sur le devant du débat justement, aidé par l'actualité couverte d'affaires judiciaires nauséabondes, et incriminant certains candidats justement.
Et la première cible d'Eva Joly justement c'est Marine et Jean-Marie Le Pen. En déclarant publiquement que la fortune de la famille d'extrême-droite reposait sur des circonstances extrêmement douteuses, à savoir un héritage contestée, l'ancienne juge s'est attirée les foudres de la frontiste, mais là aussi la candidate Europe Ecologie se place sur un terrain morale et judiciaire qui lui plait peut-être plus que les sujets verts.
Voir : Eva Joly s'attaque aux Le Pen.
Deuxième cible de la députée européenne : Nicolas Sarkozy et les nombreuses affaires judiciaires qui l'entourent, notamment Karachi et Bettencourt. Sur ces sujets l'ancienne juge, spécialiste des questions financières, a violemment chargé le chef de l'état, insistant sur les explications qu'il avait à rendre, et son implication probable dans ces affaires, évoquant tout un faisceau d'éléments à charge convergents et troublants.
Voir : le duel Sarkozy-Joly se poursuit.
Dernière cible enfin, c'est la possible invalidation par la Cour de Cassation du jugement dans l'affaire Total. L'affaire, qui a été révélée la semaine dernière, a littéralement scandalisé la candidate qui intervient régulièrement sur ce sujet dans les médias, et a même écrit une tribune dans le Monde pour dénoncer la corruption entourant cette histoire judiciaire. Dans le viseur d'Eva Joly se trouvent plus particulièrement les relations entre l'Etat français et la société du CAC 40.
Voir : Eva Joly dénonce les liens entre l'Etat et Total. Si la candidate a donc un petit peu abandonné le créneau écologique pour se focaliser sur le terrain judiciaire, cela ne plait pas à certains adversaires mais cela permet de souligner aux yeux de l'opinion à quelle point sa posture, en matière d'équité est irréprochable, mais aussi d'inscrire son combat contre la corruption dans les esprits. Peut-être que cette nouvelle partition, bien plus naturelle dans la bouche de l'ancienne juge d'instruction, lui permettra de finir sa campagne sur une note bien plus intéressante que ce qu'on a vu ces derniers mois.