Robert Badinter est décédé
Publié le Par Fabrice Bluszez
Robert Badinter, qui fut le ministre de la Justice obtenant l'abolition de la peine de mort en France, en 1981, est décédé ce jeudi 8 février. Il avait 95 ans. Un hommage national lui sera rendu le 14 février, place Vendôme à Paris.
Robert Badinter laissera son nom grâce à cette réforme du Code pénal, la suppression de la peine de mort pour les crimes les plus graves, votée le 9 octobre 1981. Avocat, il sauva la vie de certains clients avant de devenir ministre. Pas tous : dans l'affaire Buffet et Bontems, il assista à l'exécution de Roger Bontems, par la guillotine, en novembre 1972, rappelle France Info.
Le procès de Patrick Henry, en 1977, l'engagea dans une plaidoirie contre la peine de mort. Et le meurtrier, honni pour avoir enlevé et tué un enfant de 7 ans, échappa à la guillotine.
Pour la peine de mort, ce fut le début de la fin, une étape majeure. Mais le Président Giscard, qui disposait du droit de grâce, avait laissé guillotiner Christian Ranucci, le 28 juillet 1976, Jérôme Carrein, le 23 juin 1977 et le dernier, un Tunisien, Hamida Djandoubi, le 10 septembre 1977.
Un discours mémorable
Quelques phrases extraites du discours du ministre de la Justice, Robert Badinter, pour soutenir son projet de loi sur l'abolition de la peine de mort, devant l'Assemblée nationale, le 17 septembre 1981.
"Il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives"
"La question ne se pose pas, et nous le savons tous, en termes de dissuasion ou de technique répressive, mais en termes politiques et surtout de choix moral. (...)
Voici la première évidence: dans les pays de liberté, l'abolition est presque partout la règle; dans les pays où règne la dictature, la peine de mort est partout pratiquée. Ce partage du monde ne résulte pas d'une simple coïncidence, mais exprime une corrélation. La vraie signification politique de la peine de mort, c'est bien qu'elle procède de l'idée que l'Etat a le droit de disposer du citoyen jusqu'à lui retirer la vie. C'est par là que la peine de mort s'inscrit dans les systèmes totalitaires. (...)
Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. A cet instant plus qu'à aucun autre, j'ai le sentiment d'assumer mon ministère, au sens ancien, au sens noble, le plus noble qui soit, c'est-à-dire au sens de 'service'. Demain, vous voterez l'abolition de la peine de mort. Législateurs français, de tout mon cœur, je vous en remercie."
Président du Conseil constitutionnel
Il fut aussi président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995. Il renforça son pouvoir avec la question prioritaire de constitutionnalité, permettant à un citoyen de demander un examen d'une loi le concernant, s'il est en procès, au regard de la Constitution. Sénateur jusqu'en 2001, mais toujours attentif aux conditions de détention, on lui doit les parloirs sans séparation et la télévision dans les cellules. On retrouvera Robert Badinter lors d'un entretien récent sur France5.