Du déconfinement à la société de surveillance
Publié le Par Fabrice Bluszez
L'état d'urgence sanitaire est prolongé jusqu'au 24 juillet et le plan de "déconfinement" engage le pays une société de surveillance. Les infractions aux mesures sanitaires seront sanctionnées. Les libertés publiques s'éloignent.
Présenté mardi 28 par le Premier ministre, Edouard Philippe, et précisé ce samedi 2 mai par le secrétaire d'Etat à la Santé, Olivier Véran, le plan de déconfinement propose plusieurs mesures dont certaines tragiques pour les libertés publiques, au motif de lutter contre l'épidéme de coronavirus.
L'isolement obligatoire décidé localement
Le gouvernement renonce à mettre les personnes positives au test covid-19 à l'isolement. Ce placement autoritaire, imaginé par le Conseil scientifique, donnant le choix entre rester chez soi ou gagner un centre d'hébergement spécial, était une entorse à la Constitution. Le plan avait pourtant été voté majoritairement par les députés. Sans sourciller... La mesure a été retirée, note RTL. Néanmoins, « les mesures individuelles de placement sont prises par le représentant de l'Etat, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) et après constatation médicale de l'infection de la personne concernée ». Ce qui n'est pas mieux, la responsabilité est seulement localisée : le représentant de l'Etat, c'est le préfet...
L'état d'urgence sanitaire jusqu'au 24 juillet
Il devait durer du 24 mars au 23 mai. Il durera jusqu'au 24 juillet. Le projet de loi sera discuté par le Sénat et l'Assemblée. Et sans doute voté. C'est ce qui permet justement de prendre des mesures d'exception.
Une quarantaine à l'entrée sur le territoire
La période sera de 14 jours, renouvelable. Ce qui fait un mois, après quoi la personne retrouve sa liberté. Elle s'applique aux personnes arrivant d'outre-mer ou de Corse. On pourra saisir le juge des libertés et de la détention (c'est bien de cela qu'il s'agit). Le renouvellement se ferait sur proposition du détenu (?) « ou en accord avec le juge », reste à savoir avec qui il est en accord... Olivier Véran explique , note France Info, qu'un « décret, sur proposition des scientifiques, définira la durée, les conditions d'accès aux biens essentiels, le suivi médical qui sera organisé ».
Le droit de réprimer s'étend
Si l'attestation de déplacement dérogatoire disparaît, en dessous de 100 km, différentes règles sanitaires demeurent. Le droit de réunion, de rassemblement, l'accès à la culture, aux salles de sport restent soit interdit, soit très limité, et ce durablement. On imposera aussi le port du masque dans les transports en commun et "le respect des gestes barrière" dans les commerces. La distanciation sociale devient un mode de relations humaines. Pour faire respecter ces interdits, il y aura l'amende de 135 € et de plus en plus d'agents susceptibles de l'infliger.
« Les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que, et c'est important, les agents de sécurité assermentés dans les transports mais aussi les agents des services de l'autorité de la concurrence pour les commerces pourront constater le non-respect des règles de l'urgence sanitaire et le sanctionner. »
Le traçage institutionnalisé
Olivier Véran emploie le mot "tracing", qui fait tout de suite plus scientifique. Il s'agit d'un « système d'information » (on n'emploie pas le mot de surveillance) permettant de suivre les malades du covid-19 et leurs contacts pendant un an. Tracing de niveau 1 : les médecins pour définir le premier cercle. Tracing de niveau 2 : l'assurance maladie pour « la liste de contacts potentiels au-delà du premier cercle ». Tracing de niveau 3 : les chaînes de contamination, surveillées par les agences régionales de santé (ARS). Là interviennent les "brigades". France info précise que « ces équipes seront chargées d'interroger les malades testés positifs au covid-19 sur leurs activités, afin de retrouver les personnes avec qui ils ont été en contact et de placer ces dernières en isolement, le temps qu'elles soient testées à leur tour ». Vous aurez le droit de garder le silence. Dites que vous n'êtes pas coupable, mais malade...