Présidentielle : les candidats sont atteints de référendite aiguë
Publié le Par Jennifer Declémy
Après Nicolas Sarkozy, c'est au tour de François Bayrou de proposer, s'il est élu, un référendum aux français. Decryptage.
Les candidats à la présidentielle sont-ils atteints de la fièvre du référendum ? On pourrait le croire en voyant plusieurs candidats proposer un ou plusieurs référendums. Ce sont bien sûr François Bayrou et Nicolas Sarkozy, mais aussi Marine Le Pen qui elle voudrait carrément une république référendaire ou Jean-Luc Mélenchon qui aimerait consulter le peuple sur le nucléaire. La promesse du référendum, nouvelle arme pour séduire les français?
Une telle réapparition de cet outil législatif peut surprendre dans la mesure où cela fait sept ans que l'on n'a pas consulté les français par ce biais, et que bien des personnalités politiques restent frileuses face à cette arme qui peut se révéler être à double tranchant. Mais le premier à la dégainer avec cris et fracas, ce fut bien sûr Nicolas Sarkozy, dans une interview au Figaro Magazine, qui déclara vouloir demander leurs avis aux français sur deux sujets : le droit des étrangers et le droit des chômeurs.
Pour aller plus loin : Sarkozy veut consulter le peuple.
Cependant, on peut se demander si le candidat UMP, dans l'hypothèse où il serait reconduit dans ses fonctions, appliquerait bien ses promesses. Il est logique d'en douter, dans la mesure où on connait le peu d'estime que Nicolas Sarkozy porte à ce procédé constitutionnel. De plus, la promesse faite de campagne tient seulement dans le cas où les négociations avec les syndicats et les corps professionnels échoueraient, or, on a vu lors de la réforme des retraites que le Gouvernement et son chef n'avaient cure des oppositions qui pouvaient se manifester.
Pour aller plus loin : Nicolas Sarkozy ou l'art détourné du référendum.
Dans le cas de François Bayrou, celui-ci se montre déjà plus précis ses intentions, en annonçant d'ores et déjà que le référendum qu'il désire se tiendrait le 10 juin et porterait sur l'approbation d'une loi cadre destinée à moraliser la vie publique. Le vote porterait entre autres sur une reconnaissance du vote blanc, une introduction de la proportionnelle ou une réduction du nombre de parlementaires, et beaucoup d'autres mesures ayant toutes pour objectif de rendre le pouvoir public plus impartial et plus rigoureux. En cela, le centriste prendrait presque des accents gaullistes.
Pour aller plus loin : François Bayrou propose un référendum.
Dans l'histoire politique française, le référendum occupe une place particulière. Fustigé pendant longtemps à cause du souvenir de Louis-Napoléon Bonaparte, il fut réhabilité par le président de Gaulle qui l'utilisa à outrance, avant de démissionner à cause du résultat d'un référendum justement, dont il interprétait le résultat négatif comme un désavouement de sa présidence. Depuis, les présidents l'utilisèrent avec parcimonie, conscients que cet outil pouvait vite devenir une manière pour les français de rejeter l'exécutif, sans réellement répondre à la question. Ce fut en partie le cas en 2005 et depuis plus aucun n'eut lieu en France métropolitaine. Donner son avis au peuple, oui mais pas trop car il est quand même souvent frondeur.
En 2008, à l'occasion de la réforme constitutionnel, on introduisit le concept de "référendum d'initiative populaire" qui devait donner l'opportunité aux français de déclencher eux-mêmes ce processus. Révolutionnaire en apparence, ce mécanisme ne fut jamais appliqué dans la constitution car les décrets d'application n'ont jamais été pris par le Gouvernement, tant bien même que l'Assemblée nationale ait voté la loi organique permettant sa réalisation. Cependant, le Sénat n'a jamais vu cette loi être inscrite à l'ordre du jour par le Gouvernement et n'a pu le faire lui-même tant son agenda législatif est chargé en cette fin de session. Le référendum d'initiative populaire, ce sera donc pour plus tard, ou jamais.
A quoi peut servir la promesse du référendum aux français ? Est-ce que cela peut vraiment peser dans la balance ? Pour une partie oui, car il est vrai que les français aimeraient sans doute donner leurs avis sur certains sujets. Cependant, de tels votes deviennent souvent des plébiscites pour ou contre le pouvoir en place, comme le prouvèrent les exemples de 1969 et de 2005. Une arme à utiliser avec parcimonie donc, et le candidat socialiste ne s'y trompe pas en déclarant ne vouloir d'un référendum que sur deux sujets : les institutions et la construction européenne.
En revanche, cela peut donner une image "proche du peuple", que recherchent activement quasiment tous les candidats. Le référendum est dans cette campagne utilisé comme une arme purement démagogique mais dans le climat de suspicion actuel qui existe face aux politiques, il n'est pas certain que de telles promesses fassent pencher la balance en faveur de tel candidat.