Les groupes Colère +dpt engagés dans une étrange révolte
Publié le Par Fabrice Bluszez
La protestation contre les 80 km/h a donné des idées certains. Sur Facebook, le mouvement des motards et automobilistes est doublé (à droite ?) par un étrange mouvement révolutionnaire : Colère + dpt...
Au début, il y a donc la limitation de vitesse à 80km/h sur les routes à deux voies sans séparation centrale. Les motards sont contre. Des automobilistes aussi et, à Paris, des associations se joignent à la FFMC (Fédération française des motards en colère) pour organiser une manifestation le samedi 3 février à 14 heures à Vincennes.
En province, cependant, les motards n'ont pas attendu et des manifestations ont eu lieu, dès le 13 janvier. Et puis sont apparus sur Facebook des appels à manifester "le 27 janvier à 15 heures devant toutes les préfectures". Qui lance cet appel ? Pas des associations, des individuels, en leur nom personnel. Pareille coïncidence avec le même mot d'ordre, paraît déjà louche.
Heureusement, il y a des groupes de motards sur Facebook et des gens qui s'engagent... Ce samedi 27, il y eut donc plusieurs manifestations, "spontanées"... Pour lesquelles les autorités eurent du mal à trouver des responsables, un parcours, et qui ont donné lieu à Mâcon (Saône-et-Loire) à un incident, un policier blessé. Le problème : les personnes qui ont lancé l'appel sur Facebook sont jugées responsables de la manifestation et sont convoquées ensuite pour "entrave à la circulation".
Au-delà de la circulation routière
Depuis quelques jours, sont apparus des groupes "Colère +dpt".... Ce sera Colère 71 en Saône-et-Loire, Colère 28 en Eure-et-Loir, etc... Souvent menés par des motards, ils appellent d'abord à la manifestation du samedi 27 à 15 heures et en font le compte-rendu avec photos... Mais très vite apparaissent d'autres revendications : la CSG, le RSI, la censure sur internet, les retraites réduites par l'imposition, les élus trop bien payés... Le groupe Colère 71, tenu par un motard, a été obligé de se saborder pour devenir Colère 71000. Mais les publications vont au-delà de la circulation routière.
De nombreuses revendications sociales apparaissent dans les groupes avec un renvoi vers un autre groupe Facebook : "Vous en avez marre, c'est maintenant Colère +dpt". Bientôt 89.000 membres. Leur objectif (résumé par la photo de tête, une banderole "Bloquons tout", sans doute une manifestation de 1er Mai à Paris) :
« Ce groupe a pour vocation de créer un blocage et montrer notre mécontentement aux gouvernement et politiques de tous bords !!! Sans violence, sans haine et avec respect de chacun. Soyons solidaire !!! »
Qui donne des ordres aux groupes Colère ?
Le groupe qui fédère les groupes Colère départementaux lance un appel à une nouvelle manifestation le samedi 17 février. Rectifions : ce n'est pas un appel, c'est un ordre.
« Bonjour à toutes et tous.
L'ordre a été lancé hier pour tout les groupes Colère de France de manifester le 17 février, à nous Administrateurs de nous préparer.
Maintenant libre à vous de vous joindre à d'autres manifestations que celles prévues par Colère. »
Qui donne les ordres ? Quel comité ? Elu par qui ? Mystère. On ne connaît que la liste des administrateurs de la page... Déjà, sur la manifestation du 27, on avait constaté cet étrange mélange des genres, au-delà de la circulation.
Qui se cache derrière le groupe
La liste ci-contre date de ce 31 janvier. Elle peut évoluer. France 3 raconte que Leandro Antonio Nogueira, 32 ans, de Saint-Pardoux-la-Rivière (Dordogne), a lancé le groupe le 16 janvier et a été ensuite dépassé. On en serait à environ 100.00 participants. Là-dedans, des curieux, des motards, des mécontents de toute sorte.
France3 rapporte :
« Quelques heures plus tard, il est submergé de messages. Il en reçoit dans les premiers temps près de 10.000 par jour. Léandro en perd le sommeil et décide de recruter d'autres administrateurs et de scinder le groupe par départements. »
Contacté via Facebook (la photo de tête est sa photo de profil), il nous a d'abord demandé qui nous avait autorisé à publier la liste des administrateurs (qui est publique, il suffit d'entrer dans le groupe) puis, en réponse à nos questions (Qui a décidé la prochaine manifestation ? Avez-vous un comité, un groupe, une association ? Une organisation nationale ?), il a déclaré :
« Il eut été judicieux de poser ce type de question avant de publier quoi que ce soit vous vous retrouvez dans un système de révolution du peuple à hauteur nationale. Ne perdez pas votre temps avec des tentatives d’intimidation. L’union que j’ai créée est la force du peuple. »
Tentative d'analyse
Il est possible qu'il reste une colère sourde dans la France profonde, celle qui reste à l'écart de la croissance et n'a pas encore été émerveillée par notre nouveau Président... Il est possible que ces gens n'aient plus confiance, ni dans les médias, ni dans les hommes politiques, ni dans les réformes que promeut notre nouveau Président... Alors, sans organisation (parce que les syndicats, les associations sont devenus des institutions et leurs chefs sont devenus vieux), sans chef donc, ils tentent de s'organiser... Librement, individuellement... Avec tous les risques de l'inexpérience (en donnant son nom sur Facebook quitte à se retrouver convoqué pour manifestation non déclarée et entrave à la circulation) et en appelant à une manifestation nationale sans se rendre compte que c'est un acte important. Une dame nous écrit : "Je vois mon nom apparaître vous n'en avez pas le droit et vous demande de l'enlever de suite !!!!!!!!!!!!!"... Elle avait quand même affiché sur Facebook : "L'ordre a été lancé hier pour tout les groupes Colère de France de manifester le 17 février." C'est donc une manifestation nationale. Il est normal que le public sache qui l'organise et donc que l'on cherche et qu'on informe. Mais le groupe est aussi hostile à la presse, taxée de "propagande". Bref, ce mouvement, c'est la révolution macronienne (ou insoumise, ou nationale) qui continue autrement... Lassés des "élites", les gens tentent de se débrouiller...
Ce que semble confirmer cette lettre d'un motard publiée dans La Dépêche, c'est qu'il y a eu une confusion, ce samedi 27 janvier, entre les revendications sur la circulation et une action politique plus générale.
« J'ai participé au rassemblement à Agen ce samedi, avec ma fille de 17 ans, et je le regrette. J'ai assisté à la plus grosse manipulation politique qu'il m'a été donné de vivre. Ce n'était pas un rassemblement de motards en colère, mais la prise de parole de militants politiques manipulés, surexcités et indignes ! »