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François Fillon, le troisième larron !

Publié le  Par Patrick Béguier

Crédit image © DR


Depuis des semaines, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy étaient roue contre roue pour emporter le premier tour de la primaire de la droite et du centre. François Fillon en a profité pour se glisser devant et franchir en large vainqueur la ligne d'arrivée.

      C'est presque une morale cette histoire, à tout le moins, une succession de leçons !   Première leçon : voyant que les sondages l'obligeaient à une course serrée avec un Alain Juppé estimé favori, Nicolas Sarkozy n'a pas cessé de donner de brusques et rageurs coups de volant. Il a désigné à la vindicte des électeurs de droite ce girondin prêt à faire alliance avec François Bayrou, le "traître" de la présidentielle de 2012, en laissant même croire qu'un accord de gouvernement avait été signé entre eux deux. Et, laissant monter sa colère d'être devancé, il a fait rugir à l'excès son moteur pour montrer que, lui, était vraiment de droite, qu'il était le défenseur de la vraie France : vive les Gaulois ! vive les frites à la cantine !… Ça crée de petites polémiques mais ne déclenche pas de vrais mouvements d'opinion. Pire : les petites phrases vous reviennent souvent en boomerang.   Buisson, pas mort !   Dans le droit fil de ses précédentes campagnes, Nicolas Sarkozy a clivé, rejeté, flirté avec les idées de l'extrême droite (Buisson pas mort !), en se resserrant sur un club de fans toujours aussi bruyant, mais inaudible pour beaucoup d'autres. Comme si les tribunes étaient trop éloignées du circuit. Au lieu de présenter un visage nouveau, l'ancien président s'est donc montré tel qu'on le connaissait. Le revenant n'avait rien appris de sa défaite en 2012 et l'anti-sarkozysme, contrairement à ce que certains pensent, n'existe pas qu'à gauche ! Les "affaires" aussi, ont fini par ralentir ce redoutable compétiteur. La dernière en date, l'affaire Takieddine, est ressortie au pire moment, juste avant le troisième et dernier débat du premier tour. Certes, pour l'heure, Nicolas Sarkozy échappe aux condamnations, mais cette affaire-là et d'autres pèsent toujours sur lui. Il est certain que beaucoup d'électeurs ont pensé qu'il y avait là un danger. Que se passerait-il si le candidat désigné se retrouvait aux prises avec la justice avant le mois d'avril 2017 ? Tous les éléments étaient ainsi réunis pour une mauvaise surprise.   AJ !, c'est Agis ?   Deuxième leçon : Alain Juppé s'est laissé endormir par le ronronnement de son moteur. Il s'est défendu trop mollement des accusations portées par Nicolas Sarkozy sur sa "connivence" avec François Bayrou. Il a joué la prudence, persuadé que c'était la bonne tactique face à un adversaire agressif. En espérant que l'autre, emporté par son tempérament, finirait dans les décors. Le problème est que, en  détraquant sa propre mécanique, Nicolas Sarkozy a déréglé celle d'Alain Juppé, son "identité heureuse", sa volonté de rassembler, etc. Ils ont joué tous les deux perdant, perdant ! En outre, à trop vouloir gérer son avance, le maire de Bordeaux a donné aux spectateurs des débats télévisés une image d'immobilisme en total contraste avec le programme d'AJ! . C'est vraiment "Agis !" qu'il faut traduire, se sont-ils interrogés !   Troisième leçon : celle des proverbes. Commençons par "Rien ne sert de courir : il faut partir à point", "Tout vient à point à qui sait attendre", "La vengeance (du "collaborateur") est un plat qui se mange froid"… Contentons-nous de la morale du troisième larron.  Dans leur affrontement d'as du volant, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy n'ont pas vu arriver un pilote sarthois qui, pensaient-ils, ne courait que dans la deuxième catégorie. Erreur fatale quand un moteur peut être poussé à plein régime dans les derniers tours (et les dernières heures) et qu'il a tout le carburant programmatique nécessaire, alors qu'un concurrent roule à l'économie et que l'autre grille bêtement les passages au stand.  Oui, François Fillon a toujours pensé qu'il faisait une course d'endurance.   Maintenant, il lui faut se remettre sur la ligne de départ. Il est en pole position. Mais gare, beaucoup d'électeurs du centre et de… gauche vont soulever le capot et regarder d'un peu plus près ce surprenant bolide !   Patrick Béguier Journaliste politique et écrivain À suivre sur Twitter : @ BeguierP

  François Fillon, pilote d'automobile dans l'émission Turbo (copie d'écran).