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La (trop) longue marche de François Hollande

Publié le  Par Patrick Béguier

Crédit image © Patrick Béguier


Tout est contre lui ! Pourtant, François Hollande assure qu'il ira jusqu'au bout. Le courage dont il se prévaut pourrait être mortifère pour la gauche. "Etre président de la République, c'est vivre tout le temps avec la tragédie", a-t-il confié jeudi soir. Et si c'était lui le personnage tragique ?

        Maintenant, on le sait : l'audience de "Dialogues citoyens" a été catastrophique (à peine 3,5 millions de téléspectateurs) et sa chute dans les sondages d'opinion n'en finit toujours pas, alors que le 14 avril devait marquer le début de sa reconquête des Français et notamment, des électeurs qui lui avaient fait confiance en 2012 ("J'ai modernisé en protégeant le modèle social", a-t-il souligné à leur intention). Le baromètre mensuel IFOP-JDD, paru dimanche, sonne le glas des espoirs présidentiels : 14% seulement de nos concitoyens (- 3 par rapport au mois de mars) se disent "satisfaits" de l'action de François Hollande. La conclusion est fort simple : les Français n'écoutent plus leur président et, s'ils l'écoutent, ils n'entendent pas son discours. L'effort pédagogique déployé à grand-peine par le locataire de l'Élysée a été inutile et même contre-productif.  "J'ai un cap, un fil conducteur", a-t-il argumenté. Ni le cap, ni le fil n'ont été vraiment visibles. "Ça va mieux !", a-t-il lancé en commentant la situation économique et il est vrai que certains signaux se mettent au vert, comme l'a indiqué un récent rapport de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Mais les Français ne voient pas encore les résultats concrets de la reprise annoncée. Pour eux, François Hollande pratique la méthode Coué. En réalité, il paye son imprudence : en se focalisant sur la courbe du chômage, il s'en est rendu prisonnier. Seule une amélioration nette, durable de l'emploi pourrait amener les Français à le croire. Problème : si la courbe du chômage doit s'inverser, elle sera la dernière à évoluer. Fin 2016, elle n'aura que peu bougé. Ce sera tard. Trop tard !   Foire d'empoigne   La longue marche de François Hollande a donc toutes les chances d'être un chemin de croix. Peut-être, en décembre, comme il l'a dit lui-même, fera-t-il une halte pour évaluer son quinquennat, analyser une dernière fois ses chances de remporter la présidentielle de 2017. Il connaîtra alors son adversaire de droite, prendra connaissance des derniers sondages et pourra prendre sa décision finale. Mais décembre, là aussi, c'est tard. Trop tard ! S'il finit par renoncer, il mettra les socialistes dans une situation désastreuse : tandis que la droite se mettra en marche - cahin-caha sans doute - derrière son vainqueur, que le FN préparera en silence son offensive du printemps prochain, le PS devra en catastrophe se trouver un nouveau leader. La primaire à gauche, on le sait, est bloquée par la présence même de François Hollande. Lui hors jeu, qui se mettra sur les rangs ? Aubry, Valls, Macron, Montebourg ? Avec un Parti communiste qui se raidit dans ses positions, un Jean-Luc Mélenchon qui fait cavalier seul, des Verts perdus dans leur valse-hésitation et, peut-être, des échappés des "Nuit debout" si elles parviennent à mettre au jour un projet alternatif ? Une vraie foire d'empoigne !    François Hollande pourrait, à la finale, nous faire le coup du "Moi ou le chaos !" et obliger une grande partie de la gauche à se ranger derrière lui. Ce serait un pari risqué. Le jeu pervers d'un tacticien… florentin. Le plus raisonnable serait de prendre une décision à la rentrée de septembre. Sans attendre les résultats de la primaire à droite, sans attendre la fameuse inversion de la courbe du chômage. Le courage invoqué par le président peut aussi consister à partir la tête haute et à point nommé. Patrick Béguier

 

Patrick Béguier est journaliste et écrivain.

Son dernier livre : "Seaghan, l'enfant de mer", un roman fantastique et écologique chez Geste éditions.