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Régionales : des élections abracadabrantesques !

Publié le  Par Patrick Béguier

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Les Français sont appelés aux urnes les 6 et 13 décembre pour élire leurs conseillers régionaux, mais jamais peut-être un scrutin n'aura paru aussi invraisemblable et décalé par rapport à la réalité politique d'un moment particulier de notre histoire.

      Le mot utilisé, en d'autres temps et pour un autre usage, par Jacques Chirac correspond, hélas, à la situation que créent à la fois la campagne électorale et l'objet même du scrutin. Passons sur le fait que, selon plusieurs spécialistes du droit constitutionnel, maintenir des élections, quelles qu'elles soient, alors que notre pays est placé en état d'urgence est pour le moins contestable. D'autant que le président de la République utilise (à juste titre, selon nous) le mot "guerre" pour parler des attentats du 13 novembre et qu'il annonce régulièrement, avec son ministre de la Défense, des bombardements de l'armée française en Syrie et en Irak. Avouons que des élections en temps de guerre, ça fait bizarre !   13 élections… nationales   En revanche, il est incontestable que ces élections régionales sont devenues, par la force des événements, treize consultations nationales axées sur le thème de la sécurité, le problème Schengen, l'accueil des migrants, la collaboration policière et judiciaire à l'intérieur de l'Europe, les rapports avec l'Islam, etc. Du pain bénit pour le Front national. Les habituelles et légitimes préoccupations économiques des Français (emploi, pouvoir d'achat) doivent même descendre de plusieurs étages, alors que les chiffres du chômage se sont révélés très mauvais en octobre après une embellie et un peu d'espoir, en septembre.  Qu'on ne s'étonne pas dès lors de voir les transports, les routes, les lycées, les aides économiques, la formation professionnelle, les politiques sociales, culturelles, et les autres programmes que peuvent ou doivent mettre en œuvre les Régions, passer à la trappe ou s'accrocher désespérément aux urnes. Pour comble de malchance, on ne connaît pas encore précisément les contours des différentes compétences attribuées aux nouvelles Régions. Ça viendra après… l'élection. De même, d'ailleurs, que les noms ! Difficile, avec un flou pareil, de provoquer l'enthousiasme de Français déjà déboussolés par le découpage territorial qu'on leur a imposé.   Vent de panique   Et voilà que les sondeurs s'en mêlent ! Ils pronostiquent un tel raz-de-marée frontiste que les autres partis paniquent. Plusieurs chefs de file LR ou PS partent battus. Ils sont tétanisés, font mollement campagne, espèrent un miracle. D'autres donnent l'impression de faire carrément l'impasse sur le premier tour et de ne penser qu'au second. Combien de fois ne disent-ils pas : "On verra dimanche soir" ? Mais que feront-ils dimanche soir si, effectivement, le FN l'emporte largement et que Marine Le Pen est en mesure d'empocher deux, trois, quatre Régions ?  Si le "front républicain", comme mot d'ordre de rassemblement, a été jeté aux poubelles de l'histoire, une première solution serait pour le PS de retirer sa liste si Les Républicains arrivent deuxièmes et inversement. Comment peut-on imaginer que la droite et la gauche se résoudront à un tel arrangement alors qu'à longueur de semaines, elles se dressent l'une contre l'autre jusqu'à la caricature ou l'évidente mauvaise foi. Si tel était le cas, néanmoins, quel serait le comportement des électeurs des deux camps. Imaginez que la droite arrive loin derrière le FN dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Voyez-vous Pierre de Saintignon, Martine Aubry et consorts appeler les socialistes à voter Xavier Bertrand ? Des électeurs qui, par définition, n'auront plus aucun représentant de leur bord à la Région ! En prime, Marine Le Pen aura beau jeu de dénoncer la manœuvre et d'ironiser sur cet avatar de l'UMPS. De quoi augmenter encore le nombre de suffrages en sa faveur le 13 décembre. Autre solution, présentée comme plus subtile : fusionner les listes. On imagine les tractations entre des candidats qui passent leur temps à s'opposer dans les instances départementales, régionales… ! Là aussi, on doute que les électeurs apprécient les petites combines d'état-major et goûtent les piètres ratatouilles locales. Là aussi, et plus encore, Marine Le Pen pourra dénoncer le système UMPS et reprendre la célèbre formule du… communiste Jacques Duclos, en 1969 : c'est blanc bonnet et bonnet blanc…   Clarté politique   Sans doute Nicolas Sarkozy a-t-il raison : "Si nous sommes qualifiés pour le second tour, nous irons", a-t-il déclaré aujourd'hui (mais le fera-t-il encore la semaine prochaine ?). "Fusionner, ce serait rendre service à Madame Le Pen", a-t-il ajouté. Comme il n'existe pas de bonne solution, mieux vaut, en effet, aller au second tour, la tête droite, avec ses propres forces, dans la clarté politique due aux Français. Si nos compatriotes choisissent le FN, ils en assumeront la responsabilité et jugeront par eux-mêmes des résultats obtenus par un parti qui n'a, pour les Régions, qu'un programme aussi vague que démagogique, et pour lequel ces élections ne sont qu'un tremplin en vue de la présidentielle de 2017. Ils auront le temps d'ouvrir les yeux. N'oublions pas non plus que les pourcentages des sondages ne sont pas des scores électoraux. L'opinion des uns et des autres peut encore évoluer. Les alertes se multiplient dans la presse régionale. Pierre Gattaz, en s'attaquant au programme économique du FN, avertit petits patrons et commerçants de certains dangers. Le monde culturel s'agite de plus en plus bruyamment… Quant au Premier ministre, il appelle à "un sursaut républicain majeur". Son exhortation ne laissera pas tout le monde insensible. Rien n'est joué. Rendez-vous à la sortie des urnes dimanche prochain.   Patrick Béguier est journaliste, éditorialiste et écrivain.