Nous sommes tous Charlie Hebdo

      Après les attentats du 11-Septembre, la presse française avait lancé ce long cri : "Nous sommes tous Américains". Cette fois, c'est elle qui va pousser un hurlement : "Nous sommes tous Charlie Hebdo". Les grands médias comme les petits. Paris Dépêches n'est pour l'heure qu'un modeste contributeur à l'information nationale et parisienne. Mais sa voix ici ne sera pas faible.   La police et la justice devront déterminer qui est derrière cet attentat. Pour l'heure, même si des témoignages incitent à penser que nous sommes face à l'islamisme radical ("Nous avons vengé le prophète" aurait lâché, notamment, l'un des tueurs), il convient de rester prudent. L'emballement médiatique n'est pas une qualité journalistique.   Fruit pourri   Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la France vit dans une atmosphère de suspicion, de rejet de sa propre force, d'effroi devant une mondialisation galopante, de peur de tous ceux qui viennent d'ailleurs et surtout de l'autre côté de la Méditerranée (quand ils ne meurent pas en mer). Les valeurs, disent les uns ! La Nation, surenchérissent les autres ! On s'enfuit vers un passé perfidement maquillé comme Zemmour, on s'imagine un avenir de "soumission" comme Houellebecq. Et dans le présent, on angoisse les Français, on les exaspère, on les divise. Oui, le contexte est là ! L'attentat de ce mercredi est la cerise pourrie sur ce gâteau amer.   Ce qui est sûr, aussi, c'est que la question religieuse se pose dans ce pays, fer de lance de la laïcité. Cruel retour de boomerang ! Là où nous avons voulu la séparation de l'Église et de l'État, se déclarent les hostilités religieuses, se réveillent de vieux conflits qui, parfois, vont se nicher jusqu'au cœur des crèches de Noël ou se loger dans les crèches tout court ! Je viens d'une région, le Poitou, où nous gardons en mémoire tout ce que les religions peuvent faire quand elles ne sont plus maîtresses d'elles-mêmes. Protestants et catholiques ont fait ici l'impensable ! Jusqu'à déterrer les morts !   L'horreur religieuse est une très vieille dame qui ne veut pas mourir.   Maintenant, je n'ai plus envie que de m'associer, avec la petite équipe de Paris Dépêches, à la douleur de la rédaction de Charlie Hebdo, au désespoir de ces familles frappées au cœur ! Flics et journalistes associés.   Une pensée particulière pour Cabu, Charb, Wolinski, Tignous. Ils ne nous amuseront plus, ne nous interpelleront plus de leurs dessins et caricatures. Mais jamais nous ne tirerons un trait sur eux.   Patrick Béguier est journaliste et écrivain. Il est le conseiller éditorial de Paris Dépêches.