Prise de bec entre les magistrats et le clan Sarkozy
Publié le Par Antoine Sauvêtre
En réaction à sa mise en examen dans l’affaire des écoutes téléphoniques, Nicolas Sarkozy a contre-attaqué en accusant l’une de ses juges, Claire Thépaut, de lui être hostile. Une défense que son clan a largement relayée dans les médias ce matin. Les magistrats se défendent et affirment leur impartialité.
Dans son interview sur TF1 et Europe 1, mercredi 2 juillet, Nicolas Sarkozy a basé l’essentiel de sa contre-attaque sur « l’instrumentalisation politique d’une partie de la justice » visant à « donner une image de [lui] qui n’est pas conforme à la réalité ». Directement visés : des membres du gouvernement, de la garde des Sceaux Christiane Taubira au premier ministre Manuel Valls, mais aussi, et surtout l’une des juges d’instruction chargée de l’enquête : Claire Thépaut. La raison ? Elle est membre du Syndicat de la magistrature (SM). Un syndicat classé à gauche et connu notamment pour son « mur des cons » découvert en avril 2013, exposant un des termes peu élogieux plusieurs personnalités politiques, notamment de droite.
EXTRAIT - Sarkozy dénonce "l’instrumentalisatio... par Europe1fr
« Quel justiciable aimerait avoir un magistrat dont l’obsession politique est de détruire la personne en face de lui ? » a-t-il questionné après la lecture d’un extrait d’une lettre que le Syndicat de la magistrature lui avait adressé en 2012 pour lui faire part de nombreuses critiques sur son quinquennat.
Son clan suit la ligne de défenseEt ce matin, c’était au tour des sarkozystes de pointés du doigt une justice « instrumentalisée ». Nadine Morano s’est prononcée pour l’interdiction du syndicalisme dans la magistrature. « La justice gagnerait à avoir le même comportement que l’armée et ne pas avoir la possibilité d’être syndiquée pour pouvoir exercer son métier dans la plus grande sérénité et en toute impartialité et, aujourd’hui, ce n’est pas le cas », affirmait-elle sur France 2. Une position suivie par l’ancienne plume de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino sur BFMTV. « Comment un juge d’instruction peut-il instruire à charge et à décharge quand il a des préjugés ? » s’interrogeait-il. « Il faut supprimer le syndicalisme dans la magistrature, insistait-il. On va me dire que c’est un principe constitutionnel, alors il faut un référendum et inscrire dans la Constitution que ni dans l’armée ni dans la magistrature on ne peut être syndiqué. »
Henri Guaino: "Il faut supprimer le... par BFMTV
Invitée sur France Inter, l’ancienne ministre Nathalie Kosciusko-Morizet a été l’une des plus virulente du côté de l’UMP. « On n’a pas à être jugé par un ami. Mais en l’occurrence, quand on arrive devant la justice, on est en droit de réclamer l’impartialité, qu’il n’y ait pas de doute, pas de soupçon, juge-t-elle. C’est inacceptable, inimaginable de pouvoir être jugé par ses ennemis. Or, cette juge s’est associée à un mouvement qui est devenu un mouvement politique pendant la campagne, qui a appelé à voter contre Nicolas Sarkozy », croit-elle savoir. Si le clan Sarkozy, et l’ancien président lui-même, dénonce l’appartenance de Claire Thépaut au Syndicat de la magistrature, Nicolas Sarkozy n’a pas pour autant demandé le dessaisissement de la juge, comme il en a pourtant le droit.
La réponse des magistrats
Le Syndicat de la magistrature à réagi aux attaques de Nicolas Sarkozy et de ses proches. Dans un communiqué, le SM les accuse de persister « à tenter de jeter le discrédit sur ceux dont la profession est de rechercher la manifestation de la vérité ». Le syndicat rappelle qu’ « un juge, même syndiqué, n’en est pas moins impartial » et regrette que Nicolas Sarkozy fasse « l’amalgame entre la critique par un syndicat, personne morale, d’une politique menée et l’action d’un magistrat directeur d’enquête, dans le cadre de ses fonctions ».
Une position également défendue par la présidente du tribunal de grande instance (TGI) de Paris. Chantal Arens a rappelé que « l’indépendance juridictionnelle des juges est une condition essentielle de la démocratie ». Elle rappelle également que la fonction d’un juge est d’instruire à charge et à décharge et que « leurs décisions sont soumises au contrôle des juridictions supérieures ».
Le gouvernement a « confiance » en la justiceDe son côté le gouvernement a réagi par la voix de son porte-parole, Stéphane Le Foll. Interrogé sur Europe 1, il dénonce « la stratégie bien connue » consistant à « joué la contre-attaque ou l’attaque […] dans une position défensive ». Il insiste sur la nécessité de « faire confiance à la justice », rappelant qu’ « il est arrivé, et [Nicolas Sarkozy] l’a rappelé, comme dans l’affaire Bettencourt, qu’à la fin de la procédure, il y ait un non lieu ».
Stéphane Le Foll : "On doit faire confiance à... par Europe1fr