Marine Le Pen chiffre son projet présidentiel
Publié le Par Jennifer Declémy
Ce matin avait lieu la conférence de presse de Marine Le Pen, pour livrer le chiffrage tant attendu de son projet pour la France. Résultat : peu de surprises au programme
Elle l’avait tant annoncé depuis des mois : elle, Marine Le Pen, dispose de la solution miracle, du traitement de choc pour résorber la crise et nous sortir du marasme économique et financier dans lequel nous pataugeons allégrement aujourd’hui. Et c’est lors d’une conférence de presse ce matin, au siège du parti à Nanterre, que la candidate frontiste en a présenté le chiffrage.
On la jugeait peu crédible sur les questions économiques, et sa première conférence du genre en avril dernier avait suscité des moqueries et des sourires. Aujourd’hui pourtant la candidate veut paraitre sérieuse, veut soigner son image sur ce sujet, conscient que c’est la première préoccupation des électeurs. Et pour cela, deux propositions émergent du lot : sortir de l’euro et arrêter l’immigration. A elle seule ces deux mesures résorberaient le déficit d’ici 2017.
Le chiffrage qu’elle a présenté ce matin s’étale sur l’intégralité du mandat qu’elle espère obtenir en mai prochain. Selon elle, le retour au franc permettrait de trouver 200 milliards d’économies tandis que la réduction brutale de l’immigration elle rapporterait 40 milliards. La lutte contre les fraudes sociales rapporterait également presque 70 milliards.
Marine Le Pen a cependant commencé sa conférence de presse par l’annonce que, si elle était élue, elle commencerait par augmenter les dépenses publiques, dans cinq domaines qu’elle considère être des priorités essentielles, à savoir de « la bonne dépense publique » : la justice, qui sera revalorisée de 8,5 milliards ; la sécurité dont le budget sera revalorisé sur 5 ans, ce qui coûtera 1,2 milliards ; la santé et les handicaps avec 15,3 milliards d’euros supplémentaires ; le pouvoir d’achat avec une augmentation de la part salariale des cotisations prises en charge par l’état à hauteur de 200euros net pour salaires jusqu’à 1,4 fois le SMIC : le soutien aux PME/PMI avec une contribution de la part des grandes entreprises.
Tout ceci pourra être financé par ce que la candidate appelle « les mauvaises dépenses publiques », à savoir, l’immigration qu’elle va ramener de 200 000 à 10 000 pour en réduire les coûts ; l’Union Européenne, dont elle veut ramener la contribution nette française à zéro ; et la lutte contre fraudes fiscales et sociales. Cependant, il reste encore à prouver que de telles mesures, dont une sortie de l'euro, puissent bénéficier à l'économie qui dépend avant tout de l'Union Européenne et du commerce mondial. D'ailleurs, selon un sondage récent, 61% des français ne pensent pas que cela puisse être réalisable.
Aucune surprise donc dans sa présentation mais on notera tout de même des hésitations, des blancs et des oublis pendant son discours, qui montrent clairement qu’elle ne maitrise pas cette partie de son programme et que sur le discours économique, Marine Le Pen n’est pas dans son domaine de prédilection. A sa décharge, l’avocate aura su ce matin tirer parti de l’absence de programme des autres principaux candidats, ce qu’elle a d’ailleurs souligné avec insistance pendant les cinq premières minutes de son intervention. Face à ses concurrents la candidate veut se situer dans le concret pour mieux s’opposer à eux, et tant que les autres candidats s’adonneront à la règle de la petite phrase et de l’envoi de snipers pour tuer l’autre, Marine Le Pen aura un train d’avance sur eux.
Cependant, une hypothèse de sortie de l'euro est un scénario incertain dont les conséquences sont difficilement prévisibles. Il faut notamment prendre en compte les problématiques logistiques (réimpression et distribution des monnaies, conversion des valorisations de l'euro au franc) et politiques (réaction des marchés étrangers détenteurs de la dette française, isolement de l'économie française sur le marché mondial, défiance envers les pays européens si le groupe Euro se fissure ..). Il faut aussi se rendre compte que, si le retour au franc permettrait de faire tourner la planche à billets et donc de créer des devises, ce serait au prix d'une dévaluation monnaitaire ayant pour conséquence directe l'inflation et l'augmentation des prix. Autre problème : la conversion de notre dette, détenue à l'étranger. Resterait-elle en euro ou serait-elle convertie en francs, ce qui ne plairait absolument pas aux marchés ? Beaucoup de questions à prendre en considération avant de considérer une sortie en solitaire de la zone euro.
Quant aux effets bénéfiques de "la réduction brutale de l'immigration" sur l'économie, ils sont encore à démontrer car si la candidate argue que l'immigration coûte cher à notre pays aujourd'hui, d'autres répondent que l'immigration de travailleurs rapportent au contraire de la richesse et de la plus-value pour notre économie.