Morituri, de Patrick Rambaud
Publié le Par Pascal Hébert
Patrick Rambaud, le grand romancier, n’a pas dit son dernier mot… même s’il vient de quitter en tant que membre actif la sainte assemblée du Prix Goncourt. Homme à part dans le monde littéraire, il poursuit son œuvre avec une application constante. Spécialiste de l’histoire de Napoléon, qu’il a si bien narrée dans ses précédents livres, Patrick Rambaud s’est également exprimé sur le présent avec ses différentes chroniques à la manière de Saint-Simon sur Nicolas 1er. Avec Morituri, Patrick Rambaud se lance dans une histoire futuriste et qui nous pend au nez si la fonte des glaces continuent sur un rythme effréné.
En s’appuyant sur Trouville, sa base de repli estival, le prix Goncourt 1997 a imaginé une montée des eaux vertigineuse dans cette cité balnéaire de la côte normande. Si l’on craint, sans vouloir y croire, que nos côtes soient envahies par la mer, Patrick Rambaud nous embarque sans ménagement dans cette tempête où tous les éléments se liguent contre les hommes.
Profitant du départ à Barcelone de ses grands-parents, Martin et ses deux amis, Allison et Victor, posent leurs bagages à Trouville. Rapidement, avant les grandes marées, la mer s’étale sur la plage. Personne ne comprend le phénomène, mais cela n’a guère d’influence sur le quotidien des habitants. Sauf que la pluie s’abat avec intensité, entraînant une coulée de boue qui envahit dans un premier temps le centre-ville avant que la mer ne s’y mette aussi en s’emparant progressivement des rues, jardins et maisons de Trouville. L’incrédulité fait place à l’angoisse dans ce chaos qui s’annonce. Victor disparaît corps et âme. Il est remplacé par une voisine qui trouvera refuge chez Martin et Allison. Très vite, les amis s’organisent pour survivre en aménageant les étages et en sauvant tant bien que mal le principal trésor de la maison : les nombreux livres du propriétaire des lieux. Isolés, vivant dans la peur d’un lendemain qui ne ressemblera plus à celui qu’ils ont connu, les trois rescapés deviennent vite les victimes de ceux qui profitent de ces circonstances pour rafler dans des maisons abandonnées tout ce qui a de la valeur. On ne change pas la nature humaine comma ça. Patrick Rambaud ne nous épargne pas une scène érotique du trio. Mais l’auteur a dû penser que c'est sans doute bon signe lorsque le vieil instinct narguant les convenances remonte des racines.
Avec "Morituri", Patrick Rambaud signe un livre efficace, rythmé par des dialogues cadencés jusqu’au bout de la nuit... et de la tempête !
Pascal Hébert
"Morituri", de Patrick Rambaud aux éditions Grasset. 196 pages. 19 €.