Accueil |  Qui sommes-nous |  Contact


Cinéma : Madame, d’Amanda Sthers

Publié le  Par Pascal Hébert

Crédit image ©


Après un premier long métrage ‘’Je vais te manquer’’ avec Carole Bouquet, Michael Lonsdale et Pierre Arditi (rien que cela !), la romancière-cinéaste Amanda Sthers a passé le cap international. Et pas avec n’importe qui. Pour sa comédie Madame, à découvrir dans toutes les bonnes salles, Amanda est allée chercher Rossy de Palma, Toni Colette et Harvey Keitel ! Disons le tout de go, ces trois magnifiques acteurs forment un trio du tonnerre.

Anne et Bob sont de riches Américains qui ont élu domicile à Paris. Ils fréquentent le gratin pour vivre un parisianisme un brin suranné et fait de clichés, dont Amanda s’amuse avec délectation. Et tout commence avec un dîner qui s’annonce ‘’presque parfait’’, comme le dit l’affiche, si un treizième larron ne jouait pas l’incruste. Bien entendu, il n’est pas question d’être treize à table. Devant l’urgence de la situation, la maîtresse de maison demande vite fait à sa bonne, la pétillante Rossy de Palma, de se ‘’déguiser’’ en convive pour éviter qu’un malheur ne tombe sur le toit de la demeure bourgeoise de ce couple sans scrupule.

Malgré des conseils de bienséance inculqués sur le fil par l’excellente Toni Collette, la bonne devient la vedette de ce dîner. Son voisin de table, à qui l’on a confessé que cette ravissante personne était dans la lignée des Bourbon d’Espagne, ne manquera pas de tomber sous son charme. De cette liaison, jailliront beaucoup de scènes cocasses avec des répliques qui claquent comme un fouet sur le cuir. Notons cette phrase dans la bouche d’un amoureux empressé de Toni Collette : « Faites de votre mari votre meilleur ami ! Et retrouvez-moi demain ».

Bousculant à souhait les convenances entre gens biens, Amanda Sthers a eu un malin plaisir à brouiller les étiquettes sociales dans le lit des sentiments. A ce jeu de dupe, n’est pas pris… qui croyait être pris ! Mention spéciale à Rossy de Palma, qui excelle sous l’œil de la caméra d’Amanda Sthers, véritable magicienne de la vie ! Osons l’écrire !

Amanda, comment a émergé cette idée de faire grimper une bonne dans la haute société ?

L’idée m’est venue du constat social que j’ai fait aux Etats Unis. Ce pays du « tout est possible » vend du rêve mais la réalité est tout autre. L’ascenseur social ne fonctionne pas. Quand on naît dans un milieu défavorisé, avoir accès à l’éducation universitaire est quasiment impossible sauf si les familles s’endettent gravement. L’arrivée de Trump n’arrange rien. Il existe de vraies castes aux Etats Unis. Le racisme a changé de camp, l’argent est la vraie nouvelle couleur de peau.

Les étiquettes sont bien inscrites dans cette société parisienne, est-ce que cette comédie est un moyen de rappeler que l'amour peut s'épanouir en dehors du champ social ?

Heureusement, il reste toujours l’amour comme espoir, comme idée qui traverse toutes les frontières, les préjugés. Les modèles ici sont plus venus du théâtre que du cinéma. De Marivaux ou Molière : des sentiments sur fond de comédie sociale. Je pense qu’on a envie de réfléchir mais aussi de rêver et de rire.

Comment vois-tu les différences sociales ?

La France est à un tournant. Soit elle fait un pas en avant vers ce Capitalisme effréné dont on connaît les dérives. Soit elle maintient une idée du partage et de l’ouverture sociale mais il faut que sa société comprenne que le sacrifice financier est nécessaire. C’est pour cela, il me semble, que la suppression de lSF est un mauvais indicateur. Dans le film nous avons à la fois ces Américains ridicules qu’en France on appelle la « gauche caviar », qui sont persuadés d’être ouverts d’esprit mais paniquent quand ils voient leur femme de ménage séduite par l’un de leurs amis… Et aussi la France, Paris, cette ville musée, qui croît toujours être le centre du monde….

Les bourgeoises sont-elles toujours aussi ‘‘chiantes’’ qu'Anne ?

Anne est une caricature parce que ce film est une comédie. J’ai poussé dans tous les travers pour qu’on rie. Et on a envie de se moquer de cette bourgeoise avec ses idées étriquées et ses problèmes de riche. Evidemment toutes les femmes qui ont des moyens ne ressemblent pas au personnage incarné par Toni Collette mais ça permet une remise en question par l’humour.

Comment as-tu travaillé avec des acteurs comme Rossy de Palma, extraordinaire de vérité absolue ?

Mes acteurs étaient tous différents. J’ai travaillé avec Rossy en parlant à ses émotions. Elle est extrêmement intelligente. Quand elle est sur un plateau il faut qu’elle lâche son intellect pour jouer avec le ventre. J’ai donc cherché des échos dans sa propre histoire… Et j’avoue qu’elle m’a émue plus d’une fois, au-delà de ce que j’espérais….

Pascal Hébert

Madame, d’Amanda Sthers, avec Toni Collette, Harvey Keitel et Rossy de Palma.