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Ma mère avait raison, d’Alexandre Jardin

Publié le  Par Pascal Hébert

Crédit image © Pascal Hébert


Alexandre Jardin est un militant politique que l’on ne soupçonnait pas. Candidat à l’élection présidentielle, le romancier est sorti de sa confortable tanière parisienne pour faire partager son idée de la France et de la manière de la gouverner. Au cours d’une campagne de conquête des indispensables signatures pour briguer la magistrature suprême, Alexandre Jardin s’est révolté contre ces énarques qui décident tout de la capitale sans tenir compte de l’expérience du terrain. Face au jacobinisme persistant et aux fonctionnaires qui gouvernent à la place des élus, le candidat a opposé le savoir-faire de ceux qui apportent des réponses dans les collectivités, leur entreprise ou dans les associations.

N’étant pas parvenu à atteindre la barre fatidique des 500 signatures, l’écrivain garde une certaine amertume d’un système qui oblige des candidats potentiels à rester en dehors de l’arène. Malgré tout, Alexandre Jardin n’a jamais cessé d’écrire. Comme une respiration indispensable à son équilibre, l’écriture a sans aucun doute permis à Alexandre de garder un peu de raison dans ce monde de folie qu’est la politique. Après son manifeste Révoltons-nous et un magnifique roman d’amour Les nouveaux amants, chez Grasset, Alexandre nous revient cet automne avec un livre consacré entièrement à sa mère. Source de joie et de vie, Fanou, comme il l’appelle, est comme ces philosophes qui n’ont rien appris mais qui ont naturellement tout compris. Ombre déjà présente dans d’autres recueils portant sur la famille Jardin, la maman d’Alexandre trouve dans cet autre magnifique livre la place qui lui est enfin due !
 

Alexandre, tu t’es lancé dans la campagne des présidentielles sans pouvoir atteindre la barre des 500 signatures avec comme support le mouvement Bleu Blanc Zèbre. Où en es-tu ?


Cela continue de se construire mais sans moi. Je me concentre, de mon côté, sur des actions très concrètes. Notamment sur l’extension nationale de Lire et faire lire. Elle va connaître une accélération énorme. Ce qui est dans la logique des choses. A un moment, il faut que toutes nos écoles maternelles fonctionnent avec un volant de retraités venant transmettre le plaisir de la lecture. L’idée est de faire une réforme de société, une nation de lecteurs. Le ministre de l’Education Nationale a fait une déclaration à l’Académie française pour annoncer qu’il ouvre massivement les écoles maternelles. Il demande également aux écrivains de faire leur part en lançant des campagnes de promotion et de recrutements dans toute la France. Et chaque écrivain important prendra la parole dans un titre régional. L’effet de masse viendra de ce collectif. A ce stade, il est important pour moi que Lire et faire lire ne soit plus mon affaire mais celle de tout un pays. On passe à une logique collective. Pour le pays, les enfants, c’est génial.


Qu’est-ce que tu espères avec cette opération ?


D’abord faire en sorte que la société aide l’école. Massivement. Concrètement. Et ensuite que les gens prennent conscience que par des actions concrètes, ils peuvent eux-mêmes réparer le pays sans rien attendre. Et pour ça, il faut que cela passe par des actions très visibles avec du sens pour tout le monde. Je pense que le discours sur la citoyenneté est trop éloigné de notre culture. Nous sommes dans une culture verticale avec un peuple relativement soumis. Pour évoluer, il faut multiplier les actions très concrètes. Il faut prendre conscience de notre force en la mettant nous-mêmes en œuvre par des actions. L’effet induit, c’est que la société va doucement s’apercevoir de sa puissance grâce à des actions visibles. Un discours général est trop éloigné culturellement. Les Français sont paradoxaux. Ils n’aiment pas leurs élus traditionnels, et à la fois, ils leur font confiance. Il y a une telle dévalorisation du citoyen ancrée, qui laisse penser qu’il y a des gens qui savent quelque part. C’est rassurant de croire ça. Croire en son pouvoir de citoyen, cela demande un changement identitaire.


« Ils ne se sont pas battus ! »


Macron élu, on s’aperçoit au fil du temps que Paris coupe avec les Régions et les Départements. Qu’en penses-tu ?


C’était lisible que c’était bien un jacobin. Pourquoi est-il surnommé Jupiter aujourd’hui ? Cela exprime bien quelque chose. Macron est l’héritier jacobiniste technocratique le plus accompli. La technocratie française est arrivée à virer les politiques. Je constate que les élus ne se sont pas battus. Lors de la Conférence des territoires, fin septembre, lorsque Philippe Richert, président des Régions finit par démissionner, y compris de sa propre région, et acte l’effet de la rupture entre les territoires et l’Etat, ils ont applaudi. Ils étaient désespérés… mais ils applaudissaient. Impressionnant ! Je constate qu’ils ne se sont pas battus ! C’est un événement considérable ce qui s’est passé ce jour là. Je prends acte et je constate qu’il faut agir concrètement car les peuples bougent lentement avec les contraintes qui sont les leurs. Nous sommes pour l’instant ce peuple-là.


Parle-nous maintenant de Fanou, ta maman à qui tu consacres ton dernier livre.


Eh bien c’est tout l’inverse de ce que je viens de dire à l’instant. C’est avant tout le courage de vivre ! C’est ma mère et quelqu’un qui n’a absolument pas peur de vivre et qui donc accède à ses envies. Lorsqu’elle aime trois hommes, elle les installe à la maison. Elle a une confiance immodérée dans la vie tout en étant une maman. C’est simple, elle est tout l’inverse de notre époque, frileuse, inquiète. C’est une tornade de vie, qui n’a pas peur de vivre.

« Pour être très vivant, il faut être courageux »


Quel est le message de Fanou ?


Elle pose une énorme question aux femmes d’aujourd’hui. C’est quoi être une femme ? C’est jusqu’où on peut être et exister. Et elle répond en y allant, en ayant une absolue confiance dans la vie. Quand j’ai 23 ans et que je lui dis que je dois rendre un manuscrit dans cinq semaines et que je ne crois pas en mon propre texte, elle le prend et le jette dans le feu. J’étais stupéfait. Elle me répond : « Mon chéri, tu ne vas pas publier un livre qui n’est réellement pas de toi. » Bien sûr qu’elle a raison. En le brûlant, elle se dit que dans le creux, quelque chose va surgir. Elle a eu raison, j’ai écrit Le Zèbre en cinq semaines.


Elle demande le meilleur à ses hommes.


Oui, toujours. Il est possible que sans ma mère, mon père n’aurait pas été l’auteur Pascal Jardin avec sa folie et une grande confiance en la vie. Elle a une aptitude à être incroyablement romanesque. Je ne sais pas si elle a lu ce livre, car je ne sais pas si elle les lit d’ailleurs. Je lui ai dit que j’écrivais sur elle. Elle m’a répondu : « Considère que mon regard m’appartient. » Et elle a raison. Elle est tellement productrice de son être que ce n’est pas le regard de son fils qui va la bouleverser. Le livre est assez drôle parce qu’elle est drôle. Elle créé des situations absolument hilarantes. Dès que l’on desserre le frein à main, la vie est beaucoup plus drôle. L’idée que cette femme là parte m’est insupportable. Il y a des êtres qui font honneur à notre espèce. Ils nous montrent jusqu’où on peut exister et avoir confiance dans la vie. Elle est l’antidote parfaite de l’époque. La plupart des gens vous aiment pour une partie de vous-même, elle, cela ne la dérange pas que l’on soit réellement soi avec toutes nos contradictions, folies. Elle considère qu’il faut exposer quand on aime. Sans cesse pousser les murs. Pour être très vivant, il faut être courageux !


Pascal Hébert

Ma mère avait raison, d’Alexandre Jardin. Editions Grasset.  216 pages.  18,50 euros.