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Lu pour vous : 2084 (La fin du monde), de Boualem Sansal

Publié le  Par Jacques-Henri Digeon

Crédit image © C.Helie/Gallimard


Soixante six ans après le Big Brother du ''1984'' de Georges Orwell (publié en 1949), c’est au tour de Boualem Sansal de nous emmener dans le monde de ''2084''. Notre chroniqueur littéraire Pascal Hébert nous le fait découvrir.

Au secours ! Oui, au secours. Le monde marche sur la tête. Dans ce monde, où le religieux tout confondu, s’impose de plus en plus dans notre vie – même si l’on n’est pas concerné – l’air est de moins en moins respirable. Il devient difficile de s’exprimer sur les religions sans que l’on devienne suspect. L’autocensure s’impose. Et pourtant, dans ce monde où la communication est de plus en plus immédiate, le bien vivre ensemble déraille. Tout est mélangé et la peur de l’autre plane comme une ombre obsédante. A l’instar d’Orwell, Boualem Sansal poursuit l’idée de l’excellent livre 1984.

Avec 2084 (La fin du monde) l’écrivain a imaginé ce que peut être l’humanité placée sous le joug d’un seul dieu. La civilisation est contrôlée par une caste qui a créé un dieu unique avec Abi, son prophète, délégué de Yola sur Terre. L’Abistan, cet immense empire que l’on n’a pas envie de visiter, est né sur les cendres d’une ancienne civilisation rayée de la carte et de la mémoire collective. L’empire est séparé et personne ne sait ce qu’il y a dans les autres secteurs. Le bonheur est obligatoire et les remises en question du système ne sont même pas pensables… Comme dans tout système sectaire, il y a ceux qui courbent l’échine et ceux qui profitent de la situation. Alti, le héros du roman de Boualem Sansal commence par voir que le monde qu’on lui présente n’est peut-être pas aussi simple que ce que l’on veut bien lui faire croire. Il y a d’abord ces renégats qui vivent en marge de la ville. Comment ces êtres inférieurs, qui ne croient en rien, peuvent-ils vivre sans la protection d’un dieu ?

Désireux d’en savoir plus, Alti décide de s’affranchir de l’idéologie de l’Abistan pour partir à la recherche d’un temps effacé des mémoires. Un temps, où les hommes pouvaient choisir leur destin. Tout au long de cette quête rocambolesque, Alti devra à la fois faire confiance à certains hommes rencontrés tout en se méfiant des espions et autres gardiens de la foi de l’Abistan.

Bien évidemment, le roman de Boualem Sansal nous fait penser à ce qui existe aujourd’hui autour d’une certaine religion prise en otage par des criminels, désireux d’imposer par la forcer leur loi (et non celle de la religion). D’une force et d’une imagination redoutable, 2084 annonce la fin d’un temps… peut être pas idéal, mais au moins respirable avant que la nuit ne s’abatte définitivement sur l’humanité.
 

Pascal HEBERT


2084, de Boualem Sansal (Gallimard). 274 pages. 19,50 euros.