Festival des bouquinistes : bataille contre les marchands de souvenirs
Publié le Par Un Contributeur
Démarré ce vendredi 25 avril à Paris, le premier festival des bouquinistes se tiendra jusqu'au dimanche 27 avril sur les bords de Seine. Un festival qui promeut une profession méconnue et qui souhaite accentuer la dichotomie entre ceux qui se consacrent essentiellement à la vente de livres anciens et les vendeurs de souvenirs.
Inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1991, plus de 200 bouquinistes proposent 300 000 livres et se positionnent sur plus de trois kilomètres le long de la Seine. Ils sont aisément reconnaissables grâce à leur stand mesurant 8m60, numéroté paire sur la rive droite et impaire sur la rive gauche. Ces stands comprennent généralement quatre fameuses "boîtes vertes" , dont on en dénombre 900 au total. Sur la rive droite, les bouquinistes se situent du pont Marie au quai du Louvre. Quant à la rive gauche, on les trouve du quai de la Tournelle au quai Voltaire. Une tradition qui se perpétue depuis le XVIe siècle, et malgré les remous économiques entourant la profession depuis de trop nombreuses années, ces passionnés tiennent bon et ne fléchissent pas.
L'initiative alors de créer un premier festival des bouquinistes semble être une riche idée afin de redonner un peu d'allant et de motivation à ces professionnels du livre. Au programme : une chasse aux trésors toute la journée de samedi où "le gagnant se verra remettre une sélection de livres réalisées par les bouquinistes participants" d'après le programme du festival, une tombola avec plusieurs prix à la clé, mais aussi des invités - écrivains, poètes etc. - qui participeront à l'évènement.
Imaginé par Sébastien Gindre et Luis Ortega, tous deux positionnés sur les quais de l'hôtel de Ville, ce festival est toutefois loin d'avoir réuni tous les bouquinistes. Jean-Pierre, bouquiniste depuis 28 ans et posté rive gauche sur le quai des Grands-Augustins, n'a pas souhaité se joindre à la fête. Faisant parti des quelques 200 membres de l'association des bouquinistes des quais de Seine, il explique les raisons de sa non-participation "Ils ont sélectionné les gens qui ne vendent que des livres anciens et je trouve ça particulièrement bien. Ca peut justifier le fait qu’ils n’aient pas fait ça dans le cadre de l’association."
Toutefois, Jean-Pierre s'impose une petite limite : les cadenas, objet romantique prisé des couples pour prouver leur amour, qui pullulent sur le pont des Arts notamment et dont les clés sont jetés dans la Seine après installation. "Ce matin, quand j’ai ouvert, on ne m’a pas demandé un livre, mais un cadenas. Certains arrivent à en vendre 200 par jour. Mais ça abime vachement le pont. " A 5 € pièce, ce vieux monsieur semble plus soucieux de son environnement que de son porte-monnaie. On ne lui en tiendra certainement pas rigueur.
Il faut alors revenir rive droite pour découvrir la grande majorité des participants, comme David Nosek, bouquiniste sur le quai du Louvre et qui "essaie surtout de travailler le livre ancien". Le festival est pour lui une belle façon de célébrer le métier. "Ca permet justement d’avoir de la presse et de la communication, ce qui est bien. Mais on rappelle surtout au public que les bouquinistes sont des libraires de qualité et non des gens qui vendent uniquement des babioles pour touristes."
Pour ce bouquiniste de longue date, qui a repris son affaire il y a peu après l'avoir cédé à sa femme, le désintérêt des nouvelles générations est un vrai frein. "Il y a nettement moins d’amateurs de livres qu’il y a quinze-vingt ans. Si notre métier est voué à disparaitre ? Non, pas du tout. Au contraire. Je pense qu’à un moment, il y aura de nouveau le goût de la lecture et des beaux livres." Il reconnaît aussi que sa situation n'est pas à plaindre, malgré un statut "totalement indépendant" qui ne comporte donc aucune aide mais avec "l’avantage de ne pas avoir de loyer et d’avoir un passage colossal."
Cette curiosité se ressentira certainement via ce festival, qui malgré une prévision météo peu réjouissante pour ce week-end, espère avoir son petit succès. Mais il est important pour les organisateurs de faire comprendre aux chineurs, simples promeneurs et même touristes, que les bouquinistes ne sont pas de simples attractions touristiques, mais bel et bien de vrais professionnels du livre, cultivés et aimables. Luis Ortega, coorganisateur de l'évènement, nous explique avec son fort accent sud-américain ce qui différencie les participants au festival des autres :
Pour plus d'informations, rendez-vous sur le Facebook du Festival : https://www.facebook.com/events/742989492390741/?ref=ts&fref=ts
Par Raphaël Didio