Gilets jaunes aux Molières : France2 a censuré
Publié le Par Fabrice Bluszez
Des gilets jaunes ont perturbé la cérémonie des Molières, lundi 13mai. L'émission étant enregistrée, France2 a censuré la scène.
L'incident lors de la cérémonie des Molières, aux Folies-Bergère, n'a duré que quelques minutes. Des gilets jaunes, intermittents du spectacle, chômeurs, précaires, ont envahi le théâtre pour lire une déclaration. Ils ont décerné un « molière d'honneur aux gilets jaunes et précaires en lutte » et un « molière du déshonneur à Emmanuel Macron ».
Voici la séquence que France2 a coupée. L'émission est enregistrée plus de deux heures avant d'être diffusée. L'Obs en a diffusé l'essentiel. On retrouvera la séquence complète (5'45) sur la page Facebook des Gilets jaunes, intermittents, chômeurs, précaires......
Et voici la déclaration complète...
« C’est avec une conviction acharnée que nous, gilets jaunes, intermittentes, intermittents, chômeuses, chômeurs, précaires, tenions à être présentes et présents ce soir, et que nous avons ainsi tout fait pour parvenir jusqu’à vous. En effet, dans ces temps incertains, il devient de plus en plus difficile de vivre décemment de son art ou de son savoir-faire et de bénéficier du chômage quand nous n’avons pas d’emploi. Et il y a quelques mois, notre gouvernement nous a annoncé sa volonté de faire encore quatre milliards d’euros d’économie sur notre dos, nous peignant dès lors un avenir plus incertain et miséreux. C’est pour ces raisons que nous désirions viscéralement participer à cette cérémonie pour, nous aussi, décerner deux prix spéciaux. Deux Molières : un digne Molière d’honneur aux oublié.e.s de nos cérémonies officielles et un bien triste Molière du déshonneur. D’abord, le Molière d’honneur.
Nous voudrions que celui-ci s’adresse aux très nombreuses et nombreux techniciennes, techniciens et artistes qui ne parviennent pas à bénéficier du régime de l’intermittence ou qui le perdront dans quelques mois. Car oui, ici, on le sait tous et toutes sans vraiment en parler, notre art repose sur ces multitudes de précaires, ces gens qui font la chasse aux petits boulots, aux "cachets" comme on dit entre nous. Ici, c’est donc bien l’art et les artistes que l’on célèbre en grande pompe !
Mais quelle ironie que d’assister à tout ce décorum, ces dorures, ce champagne pour rentrer chez soi plus tard dans son 10m2, le frigo vide parce qu’on nous retire tous nos droits.
Alors, donc oui, nous parlons de CHEZ les techniciennes, techniciens et artistes dans la galère POUR les techniciennes, techniciens et artistes dans la galère, POUR les chômeuses et chômeurs attaqué.e.s par le gouvernement, les gens qui ont le frigo vide le 15 du mois, celles et ceux qui n’ont même pas de frigo, celles et ceux qui sont privés d’emploi par ce qu’ils et elles sont noir.e.s, trans, gay, lesbiennes, ou handicapé.e.s, ou tout simplement trop femmes, trop elles, trop eux. C’est à elles, à eux, à nous, que revient ce Molière d’honneur ! Qu’il nous rende la dignité qu’on voudrait nous ôter !
Maintenant, le Molière du déshonneur ! Incontestablement et à l’unanimité, il revient en premier lieu à monsieur Macron et son gouvernement. Monsieur Franck Riester, ici présent ce soir, vous en êtes le représentant. Nous vous remettons ce Molière du déshonneur parce que vous participez à cette grande fête et en même temps vous coupez partout dans les budgets de la culture.
Nous vous remettons ce Molière du déshonneur parce que vous logez au sein de votre gouvernement un monsieur Castaner. Monsieur Castaner qui, depuis des mois, donne l’ordre à la police de tout mettre en place pour empêcher une partie du peuple français de manifester, sans scrupule aucun pour toutes et tous les estropié.e.s d’une grenade ou d’un tir de flashball. Aujourd’hui, en France, il devient difficile d’aller manifester sans avoir, logées au fond du coeur et de la cervelle, toutes ces images de violences policières qui circulent et terrorisent.
Alors, incontestablement, ce Molière du déshonneur vous revient pour cette grave et inconsolable atteinte à notre liberté. Cette fois-ci, c’est acté, c’est proclamé publiquement par vingt mille artistes en soutien aux gilets jaunes : plus personne n’est dupe dans cette affaire. Pour reprendre leur mot d’ordre, nous ne sommes pas dupes. Non. Nous sommes déterminé.e.s à changer le système incarné par monsieur Macron. Comme le dit notre appel national des gilets jaunes du 7 avril 2019 à Saint-Nazaire : nous sommes solidaires de toutes les luttes et nous appelons à les amplifier. Mesdames et messieurs les techniciennes, techniciens et artistes, présentes et présents ce soir : ne nous regardez pas, rejoignez-nous !
Allons gilet-jauner nos festivals cet été ! »