Au Théâtre de la Renaissance: un Conseil de famille… sacrément désinhibé
Publié le Par Un Contributeur
« C’est de l’humour anglais grinçant », commente avec un beau sourire Amanda Sthers à la fin de la représentation de la pièce Conseil de famille à l’affiche au théâtre La Renaissance à Paris.
Coécrit avec Morgan Spillemaecker, ce tour de force, basé sur la suppression pure et simple d’une mère de trois enfants, est un régal. Tout simplement parce que d’un sujet grave (l’avenir des parents qui vieillissent associé au devoir des enfants d’assumer leurs ascendants) les auteurs en ont fait une histoire à la fois émouvante et drôle. Et pourtant, sur le fond, Amanda Sthers et Morgan Spillemaecker vont chercher les limites de l’amour que nous, enfants, portons à nos parents. Jusqu’à quel point, en fait, peut-on supporter nos parents dans le troisième âge… et réciproquement d’ailleurs pour des parents qui doivent assumer leur progéniture non pas neuf mois mais toute la vie.
Si cette pièce tourne à un règlement de compte, reposant malgré tout sur une véritable thérapie familiale, elle pose de vraies questions sur une société vieillissante. Mais de là à en arriver à un parricide bien prémédité, comme l’ont atrocement et délicieusement imaginé les deux auteurs, il y a loin de la coupe aux lèvres pour tenter de faire avaler ce bouillon de onze heures à une Eva Darlan, fantastique dans le rôle d’une mère « toujours jeune ».
Evoluant dans un décor particulièrement bien soigné, les quatre comédiens sont à la hauteur de l’événement à la fois grave, cynique, amusant et surtout touchant. Même s’ils sont habités par l’envie d’en finir avec une mère qui les agace, les trois enfants sont tous émouvants dans leur abîme. Flo, Ben et Fanny, campés par Frédéric Bourail, Erwan Reinoud et Maud Le Guénédal, attendent leur mère. Au cours de cette attente, Flo, particulièrement nerveux, explique à son frère et à sa sœur, vivant à ses crochets, que c’est la crise et qu’il lui sera impossible de payer la maison de retraite de leur maman qui finira bien par vieillir.
Avec une mise en scène d’une justesse efficace, signée Eric Civanyan, on voit doucement les enfants s’angoisser dans un premier temps, non pas sur l’avenir de leur mère qui pète le feu, mais plutôt sur les éventuelles concessions matérielles qu’ils devront faire pour assumer les frais de la maison de retraite. Flo, en homme pratique, a une super idée : pourquoi ne pas verser quelques gouttes d’un produit toxique dans son cocktail pour la faire disparaître ? Si cette proposition, incroyable quand même, est dans un premier temps rejetée elle finit par faire son chemin. Tour à tour, Floc, Ben et Fanny auront à un moment donné envie de tuer cette femme qui leur sort des horreurs… nappées de vérité.
Avec des répliques percutantes et drôles, le public se laisse embarquer dans cette histoire où chacun vide son sac sans limite. Les rires fusent dans une salle qui chavire sous les vagues des saillies verbales de ces quatre comédiens bien installés dans leurs contradictions. Eva Darlan s’est parfaitement glissée dans le rôle d’une mère égoïste, troublante à souhait. Ses compères de scène forment un trio dynamique et complémentaire. Frédéric Bouraly assure le trait d’union de cette fratrie avec un Erwan Creignou, toujours juste et une Maud Le Guénédal, géniale dans son interprétation d’une jeune maman enfermée dans son quotidien et son mal-être.
Amanda Sthers et Morgan Spillemaecker signent avec ce Conseil de famille une pièce aux ailes déployées volant au dessus de nos consciences.
Par Pascal Hébert
Pratique. Conseil de famille d’Amanda Sthers et Morgan Spillemaecker, mise en scène d’Eric Civanyan. Du mardi au samedi à 21h. Matinées le samedi et le dimanche à 16 h. 45€/35€/20€/10€. Théâtre de la Renaissance, 20, Bd Saint-Martin 75010 Paris. Location : 01.42.08.18.50 (de 12h à 19h sauf lundi) Collectivités/CE/Groupes : 01.42.02.47.46.
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